Autographe du comte Libri

Mémoire d'encres - Documents signés du comte Guillaume LIBRI (1803-1869), mathématicien, physicien et bibliophile peu scrupuleux

Mathématicien et physicien, le professeur Guglielmo Libri Carucci dalla Sommaja, dit Le comte Guillaume Libri est né en 1803 à Florence et mort en 1869 à Fiesole. Il doit sa renommée à son implication dans une importante affaire de vol de manuscrits précieux et de livres rares.

En 1820, après un doctorat de droit, il se tourne vers les mathématiques qu’il enseigne à l’université de Pise ; il publie une Théorie des nombres et un Mémoire sur divers points d’analyse qui seront remarqués par Gauss et Cauchy (1823) ; sa proximité avec le mouvement politique carbonariste l’oblige ensuite à s’exiler en France. En 1833, naturalisé français, il entre à l’Académie des sciences, côtoie François Arago et devient titulaire d’une chaire de mathématiques au Collège de France (1843).

En 1838, il publie une Histoire des sciences mathématiques en Italie de la Renaissance au xviie siècle, avec pour sources originales quelques 1 800 pièces manuscrites, lettres et livres de Galilée, Fermat et Descartes, qu’il prétend avoir acquis en ventes publiques mais avaient en fait été dérobés à la bibliothèque Laurentienne de Florence.

En 1841, Libri parvient à se faire nommer secrétaire de la Commission du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Abusant de ses fonctions, il soustrait méthodiquement de précieux autographes et livres rares de leurs collections, à la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras notamment, parmi lesquels 72 lettres autographes de Descartes au Père Mersenne et 34 feuillet de Léonard de Vinci. Pour arriver à ses fins, Libri n’hésite pas à mutiler certains manuscrits, prélevant ainsi plus de 2 000 feuillets.

En 1846, ses vols sont découverts et le procureur du roi, Félix Boucly transmet un rapport secret au bureau du ministre des Affaires étrangères, François Guizot. Le montant du dommage est estimé à 500 000 francs, mais les troubles révolutionnaires ralentissent l’instruction du dossier, qui ne refait surface qu’après la chute de la monarchie de Juillet.

En février 1848, informé de l’imminence d’un mandat d’arrêt, Libri s’enfuit à Londres, avec la complicité de Prosper Mérimée, non sans donner instruction pour que 30 000 de ses livres et manuscrits lui soient adressés en Angleterre ; arguant de son statut de « réfugié politique », il obtient la protection d’Antonio Panizzi, directeur de la bibliothèque du British Museum. Par son intermédiaire, Libri parvient à vendre pour 200 000 francs de manuscrits volés au comte d’Ashburnham, peu regardant quant à leur provenance.

Le scandale éclate finalement sous la Deuxième République. Un Dictionnaire de pièces autographes volées aux bibliothèques publiques de France sera publié par Ludovic Lalanne et Henri Bordier en 1851, il compte plus de 300 pages. En 1850, Libri est condamné par contumace à dix années de réclusion, à la dégradation nationale et à la perte de ses emplois publics ; Prosper Mérimée tente de prendre sa défense et est lui-même condamné.

Entre 1857 et 1861, Libri organise à Paris, puis à Londres, plusieurs ventes de ses livres et manuscrits pour un montant de plus d’un million de francs ; en 1862, il organise à Londres une vente pour la partie la plus précieuse de sa collection chez Sotheby & Co.