André GIDE – Intéressant manuscrit autographe sur Nietzsche (1918)
Manuscrit autographe – [1918] – 2 pp. in-folio.
« Et je ne dis pas naturellement qu’il suffise d’être déséquilibré pour devenir réformateur, mais bien que tout réformateur est d’abord un déséquilibré. »
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André GIDE (1869 – 1951) – Écrivain, Nobel 1947
Manuscrit autographe – [1918] – 2 pp. in-folio.
Ces lignes sont écrites en réponse à un article à charge contre le philosophe allemand que Georges Deherme avait fait paraître dans La Coopération des idées, revue d’une société des Universités populaires. L’auteur de l’article s’inspirait largement de l’ouvrage de Victor de Pallarès, Le Crépuscule d’une idole, paru chez Grasset en 1910, et en reprenait la thèmatique.
Sur Nietzsche
« […] Pour bien apprécier l’œuvre de Nietzsche, il faut savoir ce que fut l’homme. M. de Pallarès nous montre donc Nietzsche enfant prodigue (ou prodige ?) disciple de Schopenhauer et de Wagner, critique se tournant avec fureur contre son maître, contre son ami d’hier, souffrant de tous ses nerfs, mégalomane, évangéliste, Zarathoustra, puis sombrant dans la démence complète douze ans avant de mourir. Impulsif, instable, obsédé, neurasthénique, pharmacomane, ce fut un faible et un alcoolique. C’est pourquoi il ne parle que de ce qui lui manque surtout : la force et la volonté.
C’est l’accusation qu’on jetait au Crucifié : “Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même !” Je la reconnais. Je ne rapproche point ici le Christ, de Nietzsche, je rapproche seulement cette accusation qu’on leur lance et qui procède exactement de la même incompréhension. […]
Il est naturel que toute grande réforme morale, ce que Nietzsche appellerait toute transmutation des valeurs, soit due à un déséquilibre physiologique. Dans le bien-être, la pensée se repose et tant que l’état de choses la satisfait, la pensée ne peut se proposer de la changer. (J’entends : l’état intérieur, car pour l’extérieur, ou social le mobile du réformateur est tout autre ; les premiers sont des chimistes, les seconds des mécaniciens). À l’origine d’une réforme, il y a toujours un malaise ; le malaise dont souffre le réformateur est celui d’un déséquilibre intérieur. […] Et je ne dis pas naturellement qu’il suffise d’être déséquilibré pour devenir réformateur, mais bien que tout réformateur est d’abord un déséquilibré. […] »
Extrait de son journal, le texte fut repris partiellement par André Gide dans son étude Dostoïevski (Plon, 1923) avant de le publier ensuite dans son intégralité en 1932 dans Feuillets.
Feuillets légèrement froissés, voir photos.