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Charles BAUDELAIRE – Aux sources de la mésentente avec son ami Champfleury

Lettre autographe signée C.B. adressée à son ami Champfleury – [Paris] 6 mars 1863 – 3 pp. in-8 sur un double feuillet.

 

« Il est évident que vous êtes un homme heureux, heureux par vous-même, et moi, je ne le suis pas, car je suis toujours mécontent de moi »

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Charles BAUDELAIRE (1821 – 1867) – Poète

Lettre autographe signée C.B. adressée à son ami Champfleury – [Paris] 6 mars 1863 – 3 pp. in-8 sur un double feuillet.

Belle lettre, la dernière avant la brouille avec Champfleury

Importante lettre, riche de sous-entendus et de malentendus, suite à laquelle les deux écrivains resteront brouillés jusqu’en mai 1865.

« Mon cher ami,

Le Sphinx et l’homme bizarre, c’est toujours vous et vous êtes bizarre bien naturellement, car l’art ne trouverait pas cela. Comment ! vous m’écrivez une lettre que vous tâchez de rendre désagréable, parce que je vous dis que je n’aime pas la mauvaise société ! [le même jour, dans une lettre portée, Champfleury avait eu pour Baudelaire cette formule teintée de reproche : « N’allez pas dans de plus mauvais lieux ; essayez d’imiter ma vie de travail ; soyez aussi indépendant que moi ; n’avez jamais besoin des autres et alors vous pourrez parler de dignité. »]. Mon ami, j’en ai toujours eu horreur ; la crapule et la sottise, et le crime, ont un ragoût qui peut plaire quelques minutes ; mais la mauvaise société, mais ces espèces de remous d’écume qui se font sur les bords de la société ! impossible. – Vous dites que ma lettre a un sens caché ; je vais vous expliquer ce sens, qui, selon moi, devait vous sauter aux yeux :

Champfleury a un caractère joyeux et mystificateur, duquel je participe un peu. Champfleury a découvert un monde comique plein de femmes sans maris et de jeunes filles à marier non mariables, avec des pédantes qui font semblant d’aimer la philosophie. Champfleury sait comme moi qu’une femme est incapable de comprendre même deux lignes du catéchisme. Mais il veut que je partage sa joie, et il veut aussi s’amuser de mon choc avec cette sotte. (Et alors je vous ai répondu que j’étais prêt à tout pour vous plaire, mais que cela m’ennuyait.)

Voilà le sens caché. Quant à votre petit prêche de vertu, de la fin de votre lettre, où vous enfermez un si magnifique éloge de vous-même, je n’ai rien à en dire, si ce n’est que quand on pense tant de bien de soi-même, il n’est pas généreux d’en accabler les autres. Il est évident que vous êtes un homme heureux, heureux par vous-même, et moi, je ne le suis pas, car je suis toujours mécontent de moi.

Je veux que vous me permettiez de vous dire qu’il y a aussi dans votre lettre un ton de taquinerie et de rancune, qui, de vous à moi, à notre âge, n’est pas de saison. Quoi ! le mot dignité vous excite à ce point, vis-à-vis d’un vieil ami !

Venez, je vous en supplie, me voir dimanche à midi, sinon, je croirai que vous m’en voulez. Tout à vous [dans sa lettre du 7 mars Champfleury refuse de répondre à l’invitation de Baudelaire].

                                                                                                         C.B.

Vous aimez le comique. Lisez le dernier entretien de Lamartine (à propos des Misérables). C’est une lecture amusante que je vous suggère. Comme vous êtes trop porté à la finesse, je vous prie de ne voir aucun rapport entre ceci et ma lettre.

Répondez-moi tout de suite – Je vous transmets la fausse déclaration que vous me demandez. » [le même jour Champfleury avait demandé à Baudelaire de lui écrire « quelques lignes sur un départ quelconque qui l’empêche d’aller là où on admire Edgar Poë et son traducteur »]

Références : Baudelaire – Correspondance, T. II, pages 293 et 294, Pléiade.

 Plis d’usage, bon état, voir photos.