Gabriel FAURÉ – Longue lettre écrite depuis son lieu de villégiature
Lettre autographe signée [peut-être au sénateur et ancien ministre Pierre Baudin (1963-1917), récemment nommé ambassadeur extraordinaire aux expositions internationales qui se tiendront à Buenos-Aires en 1910] – Lugano, 4 juillet [1910, quantième erroné, plus probablement le 4 août] – 4 pp. in-8, à en-tête du Grand Hôtel Metropole et Monopole.
« Le jardin ici n’est qu’un immense parfum ! Vive le midi !!! »
Vendu
Gabriel FAURÉ (1845 – 1924) – Compositeur
Lettre autographe signée [peut-être au sénateur et ancien ministre Pierre Baudin (1863-1917), récemment nommé ambassadeur extraordinaire aux expositions internationales qui se tiendront à Buenos-Aires en 1910] – Lugano, 4 juillet [1910, quantième erroné, plus probablement le 4 août] – 4 pp. in-8, à en-tête du Grand Hôtel Metropole et Monopole.
Belle lettre, très dense : épuisé par le Conservatoire, le maître prend quelques jours de repos
« Je suis heureux des bons jours – trop rapides – que vous avez passés en Argentine. J’ai gardé un parfait souvenir de cette altitude où j’avais été percher mon fils, il y a deux ans, après sa grave pneumonie, où il s’est refait extrêmement vite et où s’est éveillé en lui une âme d’Alpiniste, de grimpeur qu’il ne tient certainement pas de son père. Du moins, si je fus grimpeur, ce n’est pas la montagne qui fut jamais ma spécialité !
Et je suis surpris que M Dujardin-Beaumetz ait fui déjà des soins qui semblaient devoir lui être encore nécessaires, j’espère bien vivement qu’il n’aura pas commis une imprudence.
Vous voyez que j’ai suivi votre conseil et que Le Figaro s’est comporté d’une façon désarmante. Auriez vous vu l’amusant et très aimable filet – pas banal, par extraordinaire – de Claretie quelques jours avant, dans Le Temps, Brieux n’aura pas eu évidemment la bonne presse qu’il espérait. [Eugène Brieux (1858-1932) s’était insurgé contre la décision du jury du Conservatoire, dont il était membre, après qu’il eut décerné le premier prix de tragédie à Mlle Duclos, allant jusqu’à démissionner du jury et demander au ministre une réforme des concours du Conservatoire]. Et cette bonne presse, hélas, je ne l’aurai pas moi-même au Conservatoire avec ce complet oubli de nos professeurs dans les promotions du 14 juillet. Voilà si longtemps que cet oubli se prolonge alors que, même sous Théodore Dubois, il y avait une croix tous les ans. Je suis désolé que ni M. Doumergue, ni M. Dujardin-Beaumetz, ne prennent pas plus en considération mes demandes réitérées à cet égard. C’est décourageant et je ne sais plus que répondre aux ayants-droits ? Si vous pensez qu’on puisse rattraper quelque chose au 1er janvier, je vous en supplie, aidez-moi de toutes vos forces.
Mon médecin de Paris me tanne pour que je ne tarde pas trop à aller faire ma cure d’Ems. Vous dire combien cela me coûte de quitter ce palais, où je règne sur la plus paisible des solitudes, dans un bien-être exquis, devant ce délicieux paysage que vous aimez et qui mérite qu’on l’adore ! Il faudra pourtant obéir bientôt. Je vous tiendrai au courant.
Est-ce que la démission de l’architecte Girault a causé quelques ennuis à Paul Léon ? [Charles Girault, architecte du Louvre, démissionne le 25 juillet 1910, Paul Léon, directeur Général des Beaux-Arts, devait résoudre cette crise mais était parti en vacances le jour même…]. J’espère bien que non. Dans tous les cas, il avait affaire là avec un Monsieur trop arrivé et largement pourvu par le succès et la fortune. Son successeur m’écrit à propos du nouveau Conservatoire, qu’après la grève des serruriers, c’est maintenant celle des plombiers…. !!! Heureusement que nous pouvons attendre.
Marliave [Joseph de Marliave, musicolgue et mari de la pianiste Marguerite Long] m’a enfin écrit hier. D’ailleurs c’est pour me prier d’écrire pour sa femme à Pierre, à Jean, à Jacques, et pour lui à Victor, François et Oscar !
À part cela, il me dit que vous prendrez deux ou trois jours encore vers le 8, et de ce projet, je ne puis trop vous féliciter.
Vous savez tout le plaisir que vous me ferez en me donnant beaucoup et souvent de vos nouvelles ; et j’espère aussi que la paix dont vous devez jouir actuellement aux Beaux-Arts favorise votre travail personnel. Tout l’Hôtel Métropole – c’est bien tout pour le moment – vous envoie mille bien vives amitiés ainsi qu’à Melle Ducroix. Votre bien affectueusement,
Le jardin ici n’est qu’un immense parfum ! Vive le midi !!! »
De 1903 à 1921, Gabriel Fauré est critique musical au Figaro et dirige le Conservatoire national de musique et de danse de 1905 à 1920. À partir de 1909, il se rendra régulièrement à Lugano pendant la période estivale.
Sur la date du 4 juillet : les concours publics du Conservatoire se sont terminés le 12 et Gabriel Fauré a du présider ensuite la séance de remise des prix aux lauréats, en remplacement de Dujardin-Beaumetz, alors sous-secrétaire d’État des Beaux-Art, empêché par une blessure à la main, qu’il s’était faite le 14 juillet lors d’un voyage dans le train présidentiel pendant la visite des souverains belges à Versailles. Dans un article de Comœdia du 28 juillet intitulé Le départ de Pénélope, il est précisé qu’ « harassé par les concours le maître en a comme on dit son content » et a mis ses bagages dans un taxi et est parti vers la gare PLM, Gabriel Fauré quittera ensuite Lugano pour Ems le 9 août.
Bon état, voir photos.