J.-K. HUYSMANS – Belle L.A.S. au sujet de la santé d’Anna Meunier

Joris-Karl HUYSMANS (1848 – 1907) – Écrivain naturaliste et critique d’art

Lettre autographe signée [à Maurice de Fleury] – [Paris, janvier 1890] – 2 pp. ½ in-12.

 Huysmans est inquiet de la santé d’Anna Meunier

« C’est un homme charmant que le D^r Marie et je crois bien que s’il y a quelque chose à faire, dans cette étrange maladie ce sera lui qui le fera.

Je réfléchis à la façon de s’y prendre. Il n’y a pas intérêt, je crois, à ce que je sois là quand il l’examinera. Il vaudrait mieux ou que je le visse avant ou après. En tout cas, il serait préférable que je puisse le remercier de vive voix et non par lettre, ce que je devrais faire, en lui écrivant moi-même l’adresse : Madame Anna Meunier, 21, rue du Cardinal Lemoine. Ne pourrions-nous lorsqu’il y sera rendu, aller le voir ensemble ? Il pourrait ainsi nous dire la vérité, ce qu’il ne saurait faire devant elle. Quelle est celle de ces combinaisons qui vous paraît la plus convenable et la plus pratique ?

Ah ! Si l’on pouvait seulement la mettre à peu près sur pieds ! mais j’ai bien peur que tout cela ne soit de l’ataxie !
Guiches ? aucune nouvelle [son ami Gustave Guiches (1860-1935) qui cosigna notamment le « Manifeste des cinq », pamphlet dirigé contre Zola, paru dans Le Figaro en 1887] – Est-il déménagé ? est-il chez Malherbe [l’éditeur Gustave de Malherbe (1856-1934)], dont les affaires s’arrangeraient, me dit-on – je n’en sais rien. Le pauvre diable !

Je suis plongé dans le travail, ce qui me lave un peu mes mélancolies. Je me suis rué sur Whistler [entre 1884 et 1887, Huysmans a fait paraître dans La Revue indépendante et L’Évolution trois comptes rendus de Salons et d’expositions abordant les œuvres du peintre américain], un Monsieur pas commode à expliquer, avec ses fluides. Mais au fond qu’est-ce qui est commode ? – enfin, j’ai hâte d’avoir terminé ce livre, pour reprendre mon Allemagne.
Merci, et bien merci, mon cher Ami, du mal que je vous donne pour ma pauvre fille.
Amitiés à Madame de Fleury et à vous une bonne poignée de main

[P.S.] Ma femme ne bouge pas de sa chambre je vous dis cela, pour que le D^r Marie ne soit pas gêné par les heures. »

Anna Meunier (1851-1895), jeune couturière, sera la compagne de Huysmans à partir de 1879 et inspirera Jeanne dans En ménage (1881) puis Louise dans En Rade (1887). Elle tombe malade en 1887 et son état de santé ne cessera ensuite de se dégrader. Elle est finalement internée à Sainte-Anne le 12 avril 1893 pour y mourir deux ans plus tard.

Son ami Maurice de Fleury (1860-1931) est un médecin spécialisé en psychiatrie, ancien l’élève de Charcot. Membre de l’Académie de médecine, il sera également essayiste sous le pseudonyme d’Horace Brianchon ainsi que chroniqueur médical au Figaro.

Le Docteur Pierre Marie (1853-1940) est un médecin neurologue qui a également suivi l’enseignement de Charcot. Nommé interne des hôpitaux de Paris en 1878, il fera carrière à la Salpêtrière et à Bicêtre.

Bon état, voir photos.