Le comte LIBRI – Lettre passionnante adressée à Antonio Panizzi
Lettre autographe signée G. Libri adressée à Monsieur Panizza, conservateur du British Museum à Londres [Antonio Panizzi, directeur de la Bibliothèque du British Museum] – Paris, la Sorbonne, 29 mars 184[6 ?] – 1 page sur un feuillet in-4.
« Si vous veniez ici, je vous montrerais mes pauvres livres, en particulier les manuscrits parmi lesquels il y en a de curieux »
Vendu
Le comte Guillaume LIBRI (1803 – 1869) – Mathématicien et bibliophile
Lettre autographe signée G. Libri adressée à Monsieur Panizza, conservateur du British Museum à Londres [Antonio Panizzi, directeur de la Bibliothèque du British Museum] – Paris, la Sorbonne, 29 mars 184[6 ?] – 1 page sur un feuillet in-4.
Passionnante lettre évoquant des transferts de livres et d’autographes depuis Paris à destination de son compatriote italien
Ce n’est qu’en 1848, le 28 février, que rattrapé par ses malversations, le comte Libri doit s’enfuir à Londres, où il rejoint son ami et compatriote Antonio Panizzi. Ce document permet d’établir que depuis la Sorbonne, Libri avait mis en place de longue date un système de détournement de livres et d’autographes. Il s’étonne de la disparition de lettres de Marie Stuart, subtilisées par un mystérieux voleur, mais invite son ami à venir contempler à Paris sa collection qui ne compte pas moins de quinze manuscrits de Dante…
« Parigi, dalla Sorbona, 29 marzo 184[6 ?]
Pregiatissimo Signore
Ebbi la sua gentilissima lettera e consegnai al libraio da lei indicatomi quattro volumi tranchés col suo indirizzo, che spero a quest’ora le saranno giunti costà. Ho avuto poi per caso dai signori Papes al 7% la cassa di libri ricoperti pei quali le rinnovo i miei più sinceri […] ringraziamenti. Vorrei trovare qualche modo per dimostrarle la mia devozione e gratitudine né so come fare, onde la prego a darmene l’opportunità valendosi di me in tutto ciò che può abbisognarle di più. Io mi sarei riputato sempre onoratissimo d’eseguire la incombenza affidatami da chi tanto ama il nome italiano, ma poi s’aggiunga la gratitudine e l’affettuosa riconoscenza all’ammirazione, pregherei adunque Signor mio di fornirmi il modo di provarle che le mie parole son veraci ed alla italiana come si convien tra noi.
Mancano molti altri libri ed autografi che il ladro vendé forse a Brusselles e forse in Parigi. Mancano specialmente molte lettere di Maria Stuarda e del figlio che il signor Papes vide tempo fa in casa mia. Ma delle cose passate non bisogna parlare, ed io cercherò col tempo e con cura di riempire i vuoti. I signori Papes mi hanno offerto gentilmente di rimborsarla da parte mia delle due ghinee da lei spese, ed io ho accettato, dolendomi peraltro un poco che Ella voglia gittare dieci scellini per conto mio. In somma io la ringrazio di tutto e mi le offro di nuovo servitore. Spero prima o poi d’aver l’onore di vederla a Londra. Ed anche di riceverla amichevolmente nel mio romitorio della Sorbona. Allora parleremo a lungo ed Ella mi insegnerà molte cose. Le mostrerò anche, s’Ella vien qui, i miei libracci, specialmente i manoscritti fra i quali ce ne sono dei curiosi. Ho comprato in Firenze i manoscritti del fu Marchese Pacini fra i quali sono tutti i manoscritti delle case Albizi e Pandolfini. Sono circa 840 volumi quasi tutti italiani antichi. Fra questi quindici codici membranacei di Dante. Per fortuna non gli presi meco perché sarebbero periti in mano. Li farò venire alla buona stagione.
Mi creda intanto con sentimenti della maggior stima e devozione.
Suo Devot. Servitore
G Libri »
Traduction :
J’ai reçu votre très gentille lettre et ai remis au libraire que vous m’aviez indiqué quatre volumes tranchés accompagnés de votre adresse, lesquels je l’espère vous y ont été à présent livrés. Ensuite, j’ai eu par hasard de la part des Papes [?] […] la caisse de livres reliés pour lesquels je vous renouvelle mes plus sincères remerciements. Je souhaiterais vous prouver mon dévouement et ma gratitude, ne sachant pas comment y parvenir, je vous prie de m’en donner l’occasion en recourant à moi en tout ce que vous pourriez souhaiter. Je serais toujours très honoré d’accomplir des tâches qu’un patriote italien me confierait, d’autant plus que j’éprouve pour lui de la gratitude, de la reconnaissance affectueuse et de l’admiration. Je vous prierais, donc, mon Seigneur, de me donner l’occasion de vous prouver que mes mots sont sincères et à l’italienne, comme il le faut entre nous.
Il manque beaucoup d’autres livres et autographes que le voleur vendit peut-être aussi bien à Bruxelles qu’à Paris. Il manque en particulier beaucoup de lettres de Marie Stuart et de son fils que Monsieur Papes vit chez moi il y a longtemps. Pourtant, il est inutile de refaire le passé, et j’essaierai soigneusement avec le temps de combler ces vides. Les Papes m’ont gentiment offert de vous rembourser de ma part les deux guinées que vous aviez dépensées, et j’ai accepté en regrettant, du reste, que vous aussi vouliez y mettre dix shillings de ma part. Bref, je vous remercie de tout et je renouvelle mon offre de vous servir. J’espère que j’aurai l’honneur de vous rencontrer à Londres, un jour ou l’autre. J’espère aussi bien vous recevoir amicalement dans mon ermitage à la Sorbonne. Ce serait l’occasion pour converser longuement et, pour moi, d’apprendre beaucoup de choses grâce à vous. Si vous veniez ici, je vous montrerais mes pauvres livres, en particulier les manuscrits parmi lesquels il y en a de curieux. J’ai acheté à Florence les manuscrits de feu le Marquis Pacini qui répertorient tous les manuscrits des grandes familles Albizi et Pandolfini. Il s’agit, à peu près, de 840 volumes presque tous italiens très anciens ; parmi lesquels quinze manuscrits en parchemin de Dante. Heureusement, je ne les avais pas emmenés avec moi, sinon ils se seraient abimés entre mes mains. Je me les ferai envoyer à la belle saison. Entretemps, veuillez croire, mon Seigneur, à mon estime et dévouement.
Votre très dévoué serviteur,
G Libri
« En l’état », marges endommagées, papier fragilisé par endroits, quelques taches mais texte bien lisible et signature intacte, voir photos.