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Louis-Ferdinand CÉLINE – Superbe lettre, écrite un an après “Le Voyage”

Lettre autographes signée Dest raturé et corrigé en LF Céline adressée à Benjamin Fondane – Paris, le 29 [novembre] 1933 – 2 pp. in-8, à en-tête du PIGALL’S TABAC, enveloppe conservée.

 

« Il est bien possible qu’en effet on me pende un jour prochain. Qu’on essaye tout au moins. Et après … ? »

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Louis-Ferdinand CÉLINE (1894 – 1961) – Écrivain

Lettre autographe signée Dest corrigé en LF Céline adressée à Benjamin Fondane – Paris, le 29 [novembre] 1933 – 2 pp. in-8, à en-tête du PIGALL’S TABAC, enveloppe conservée.

Très belle lettre aux accents prémonitoires, en réponse à un article sur son unique œuvre théâtrale

« On ne contente personne prétendait La Rochefoucauld. Beaucoup plus modeste, je n’essaye même pas. Je ne fais rien non plus pour déplaire. Je fais ce que je peux. Rien de plus. Quand j’observe chez mes frères, leur cruauté, leur fainéantise d’âme et d’esprit, leur énorme contentement d’eux-mêmes, je me trouve par comparaison, joliment agréable. Et pourtant je ne suis point porté à me trouver brillant ! Je dois être un peu plus lucide et c’est tout. Quant à mon attitude personnelle je me demande ce qu’on peut y trouver de ceci et de cela. Je ne fréquente que des gens qui m’ignorent Céline. Dès que suis repéré, je fuis. Et pour toujours. Je n’ai jamais mis de ma vie les pieds dans un salon. Il est bien possible qu’en effet on me pende un jour prochain. Qu’on essaye tout au moins. Et après … ? Ceci prouvera-t-il cela ? Je ne sais pas au juste qui me pendra. Les militaires ? Les bourgeois ? Les communistes ? Les confrères ? Qui ? L’accord n’est pas fait. Vous l’avez bien dit. Je suis prêt à renier n’importe quoi. Chez les aveugles pourquoi se faire supplicier pour telle ou telle couleur ? Le bleu plutôt que le vert ? En verront ils davantage ? Mon mépris pour ces brutes est total, absolu. Je les aime bien comme on aime les chiens mais je ne parle pas leur langue de haine. Ils me dégoûtent totalement dès qu’ils aboient. Et ils n’arrêtent pas. Qu’ils aillent se faire dresser s’il se peut encore ! Mais je crois qu’ils sont enragés. Et ils minaudent ! Bien à vous »

Unique pièce de théâtre écrite et publiée par Céline, L’Église venait de faire l’objet d’un article de Benjamin Fondane intitulé « À propos de L’Église de M. Céline », paru dans la revue littéraire Le Cahier Bleu du 22 novembre – la revue ne paraîtra que deux années, 1933 et 1934.

La pièce paraît le 26 septembre 1933, soit un an après Le Voyage au bout de la nuit, mais son écriture est bien antérieure (1926-1927). Elle représente par bien des aspects une forme primitive du Voyage, dans laquelle le docteur Bardamu est déjà présent. Les thèmes chers à l’auteur y apparaissent en gestation : son mépris pour la société coloniale, le constat d’impuissance devant la souffrance et la fatalité, l’amour des gens simples et des enfants. Un dialogue de la pièce sera repris par Sartre en guise d’épigraphe à La Nausée : « Bardamu est un garçon sans importance collective. C’est tout juste un individu ». L’œuvre sera présentée dans une version remaniée en 1936.

Le philosophe et critique roumain Benjamin Fondane (1898-1944), installé en France au début des années 1920, venait de faire connaître à Céline son ouvrage Rimbaud le voyou paru quelques mois plus tôt.

 

Bon état, voir photos.