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Marcel JOUHANDEAU – 3 lettres adressées aux parents de Robert Coquet

Ensemble de 3 lettres autographes signées adressées à Hélène et Moïse Coquet, à Malaucène dans le Vaucluse, parents de Robert Coquet – Paris, 1949-1951 – 11 pp. in-8, une enveloppe conservée, celle d’octobre 1950.

 

« Auprès de vous, si simples, si généreux, je me suis senti heureux pleinement »

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Marcel JOUHANDEAU (1888 – 1970) – Écrivain

Ensemble de 3 lettres autographes signées adressées à Hélène et Moïse Coquet, à Malaucène dans le Vaucluse, parents de Robert Coquet – Paris, 1949-1951 – 11 pp. in-8, une enveloppe conservée, celle d’octobre 1950.

Bel ensemble autour de sa relation avec Robert Coquet

– 25 octobre 1949. « Je suis bien ingrat d’avoir attendu le second jour de mon retour, pour vous écrire. Mais j’ai dû, en arrivant, réparer les torts que vous font les plus courtes absences. Mais ce soir, après avoir passé la matinée et une partie de l’après-midi avec Robert, je viens vous dire le meilleur souvenir que je garde de mon séjour auprès de vous. Je répète souvent qu’il y a des gens qui font oublier que le Paradis a été perdu. Vous êtes de ceux-là. Auprès de vous, si simples, si généreux, je me suis senti heureux pleinement. Robert et moi, nous avons fait un voyage le plus agréable du monde. Robert a pu rester étendu sur sa banquette. Il a dormi comme on sait le faire à son âge.

Le matin, avant de rejoindre mon épouse, nous avons, après avoir pris le premier déjeuner à l’Hôtel, fait un tour rue Perceval, où j’ai visité le fameux appartement. Tout me semble en bonne voie. Soyez tranquille. Je crois que ce n’est pas une mauvaise affaire et que bientôt Robert et Henri seront chez eux. Je vous tiendrai au courant. Recevez en attendant de plus amples précisions, tous mes remerciements pour votre accueil et l’assurance de tenir désormais auprès de Robert une grande place dans le cœur de MJ »

– 5 octobre 1950. « Je viens vous remercier d’abord pour les belles chaussettes bleues que je ne mettrai que les jours de fête carillonnée. Elles sont magnifiques. J’ai passé aujourd’hui une journée presque entière avec votre Robert et nous n’avons pas perdu notre temps.

1° nous avons d’abord visité les marchands de meubles et acheté à très bon compte (beaucoup moins cher que Mme Legrand) une armoire-bibliothèque et une petite table pour Robert.

2° nous sommes allés chez mon ancien élève, M. Fortin qui est propriétaire de la maison Alexandre (orgues et pianos).

M. Fortin m’est tout dévoué. J’ai dit que Robert est mon neveu et aussitôt il nous a promis de lui avoir pour une somme voisine de 80.000 frs, un Pleyel, de petite taille. La maison Alexandre est une des fabriques d’orgues et de pianos les plus réputées d’Europe. J’ai déjà fait maintes affaires avec M. Fortin. S’il nous recommande un instrument, c’est qu’il sera de première qualité et il ne prendra aucun bénéfice. J’ai été son professeur autrefois et il m’a conservé une amitié et une reconnaissance infinies.

Donc soyez tranquilles pour votre bébé. Vous savez que je veille pour vous sur lui et qu’il ne lui arrivera que bien du bonheur, sous ma garde. Je regrette de ne pas venir vous voir, mais nous avons fait tant de dépenses ces derniers mois qu’il faut faire quelques économies. […] »

– 26 mai 1951. « J’ai été heureux d’avoir de vos nouvelles. Le mal s’éloigne. A peine une petite cicatrice qui en marque sur ma cuisse gauche le souvenir. Notre grand va bien ; Je l’ai beaucoup vu ces jours-ci. Mercredi, j’ai passé l’après-midi avec lui, après avoir déjeuné au restaurant en compagnie d’Hermine et d’Henri. Le pauvre Henri peut à peine marcher. C’était sa première sortie, excepté les visites au docteur. D’ici mercredi prochain, le piano aura quitté la rue de Charenton pour prendre place, à proximité du Colisée. Comme Robert est libre tous les après-midi de 2 heures à 5 heures, il pourra, en même temps que gagner sa vie, cultiver son art. Je ne l’ai jamais vu si calme, plus heureux. Réjouissez-vous donc et surtout, chère Hélène, cher Moïse, entendez-vous bien tous les deux, gâtez-vous l’un l’autre, c’est le bonheur de la vie et il est si heureux, votre petit Robert, de vous savoir contents.
Vous êtes gentils de me demander de venir. Je le ferais volontiers, mais mes devoirs me retiennent à Paris.
Cependant, je ne désespère pas de venir avec lui bientôt vous embrasser.

Je me permets de remettre à Hermine de la laine, pour que vous me fassiez deux écharpes. Je vous envoie un modèle, c’est une écharpe que ma mère m’avait faite, il y a bien longtemps. Pour le point, vous choisirez celui que vous préférez. C’est pour les largeurs et les longueurs que je vous donne ce modèle. Dix centimètres de plus même pour que je puisse faire le tour de cou et ramener les pans sur ma poitrine. Mille merci. Je vous embrasse tous deux tendrement

[Page intérieure] : j’ai peur qu’il vive d’illusions, Le mieux , je crois, serait pour lui d’accepter de vivre à Avignon, où il pourrait rendre quelques services à mon beau frère, tout en écrivant durant ses heures de loisir pour son plaisir. Hélàs ! j’ai l’impression qu’il ne s’y résignera pas. Sa mère partie et Robert absent comment se débrouille-t–il, s’il reste impotent.
Je suis très, très content de Robert, qui travaille avec courage. Le Colisée ou plutôt le Quadrige, où il régale ses clients est un des endroits les plus fréquentés et les plus élégants de Paris.
Un avantage aussi, c’est que les Champs-Elysées sont très voisins de la Porte Maillot. [Marcel Jouhandeau et son épouse, Élisabeth Toulemont, dite Caryathis, habitent près de la porte Maillot]. »

La relation que Marcel Jouhandeau entretint avec Robert Coquet, jeune militaire rencontré dans le train d’Avignon en avril 1948, dura une dizaine d’années et lui inspira deux livres : L’École des Garçons, paru en 1953 et Du Pur Amour, en 1955. Par ailleurs, Hélène Coquet, mère de Robert, est à la source du personnage de Rosalinde dans les écrits de Jouhandeau.

 

Bon état, voir photos.