Maurice RAVEL – Jolie lettre de sa convalescence à Megève (1919)
Lettre autographe signée adressée à son ami, le compositeur Lucien Garban (1877-1959), un des principaux arrangeurs de l’éditeur musical Durand, proche de Maurice Ravel, il l’aida à corriger des épreuves pour préparer la gravure de ses partitions – Megève, 15 janvier 1919 – 4 pp. in-8.
« Les Godebski m’ayant écrit que Louis Durey voudrait bien faire entendre quelque chose à Durand, je me suis empressé d’écrire à Jacques »
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Maurice RAVEL (1875 – 1937) – Compositeur
Lettre autographe signée adressée à son ami, le compositeur Lucien Garban (1877-1959), un des principaux arrangeurs de l’éditeur musical Durand, proche de Maurice Ravel, il l’aida à corriger des épreuves pour préparer la gravure de ses partitions – Megève, 15 janvier 1919 – 4 pp. in-8.
Des nouvelles de Megève, où il ne dort presque plus
« Mon cher ami,
J’ai le cafard…Voilà quelques jours que je ne dors presque plus. Sais pas ce qui me prend. Je dois avoir autre chose…
Cependant, depuis 5 ou 6 jours, le soleil donne (tant) qu’on se croirait en plein été. Je prends un peu d’exercice. Je fais même un peu de luge. C’est charmant, on se f… par terre assez souvent. Mais c’est rembourré. Pas encore osé affronter le ski.
c’est pas la politique qui m’empêche de dormir : pas mis le nez dans un journal depuis mon arrivée. Quand il y a un événement sensationnel, on me le dit. Du reste “l’Echo de Savoie” « et “La Suisse“ sont les seuls baveux qui arrivent à grimper jusqu’ici et pas toujours, encore.
Le patelin est beau, sans doute. Beaucoup de montagnes, mais pas sur la gueule. Des petits chalets accrochés tout là-haut, on ne sait pas pourquoi. Quand on a besoin de 2 sous de sel, ça doit pas être commode. Il est vrai qu’ici, quand on veut se casser une patte, il faut attendre le vendredi, jour de passage du médecin. Pas de pharmacien non plus. Il y a bien le couvent, paraît-il, où l’on peut trouver jusqu’à de l’arnica.
Les Godebski m’ayant écrit que Louis Durey [le compositeur Louis Durey (1888-1979) qui fit partie du groupe des Six] voudrait bien faire entendre quelque chose à Durand, je me suis empressé d’écrire à Jacques [Marie-Jacques Massacrié-Durand (1865-1928), éditeur de musique, qui a repris la maison fondée par son père Auguste] pour lui recommander ce musicien vraiment doué. Je crois que ça vaut vraiment la peine.
Reçu ce matin une lettre de Madame Dreyfus [sa marraine de guerre] et me confirmant les nouvelles que vous m’avez données. Lui écris. […] »
[P.S.] « Madame de Saint-Merceaux m’écrit à ….Mégère ! »
De décembre 1918 à fin mars 1919, Maurice Ravel séjourne à l’Hôtel du Mont-Blanc, à Mégève, sur prescription médicale. Une consultation, réalisée à l’hôpital Lariboisière à la suite d’une grippe, avait révélé des ganglions tuberculeux, que son médecin avait passé sous silence pour ne pas l’inquiéter. Malgré la fatigue et les insomnies, le compositeur échange régulièrement avec ses amis et ne renonce pas au travail. Il forme un projet de livret avec Colette, qui deviendra en 1925 L’Enfant et les Sortilèges et vient de terminer la suite pour piano, Le Tombeau de Couperin, qui sera édité chez Durand et dont la création, par Marguerite Long, salle Gaveau, sera encensée par la critique (11 avril 1919).
Les Godebski : ses amis polonais Cyprien Godebski, sculpteur, et son épouse Matyla Natanson. Cyprien est le père de Misia Godebska, qui deviendra Misia Sert, pianiste et mécène de nombreux artistes du milieu du XIXe siècle.
Références : Maurice Ravel – L’intégrale, Manuel Cornejo (Le Passeur, 2018) – page 610, n°1044.
Bon état, voir photos.