Pierre LOUŸS – Correspondance familiale à Georges Louis (1911)
Ensemble de 4 lettres autographes signées adressées à son demi-frère Georges Louis (1847-1917) – [Paris, 1911] – 10 pp. in-12 à l’encre violette, 2 enveloppes.
« Robert et Lallie ont joué aujourd’hui chez Fernand Gregh où ils ont vu un paon ! et un paon qui faisait la roue ! »
Vendu
Pierre LOUŸS (1870 – 1925) – Poète et romancier
Ensemble de 4 lettres autographes signées adressées à son demi-frère Georges Louis (1847-1917) – [Paris, 1911] – 10 pp. in-12 à l’encre violette, 2 enveloppes.
Jolie correspondance familiale et littéraire
[16 mai] – « Mardi soir. Je suis rentré ce soir fatigué parce que j’étais sorti deux jours de suite simplement. Si je sors demain et que je dîne chez toi, jeudi ce dîner terminera quatre jours de sortie, ce que je n’ai pas fait depuis cinq mois. Aussi je crois plus prudent de ne pas sortir demain, pour avoir une meilleure soirée avec toi, jeudi. Je t’embrasse de cœur.
Confidentiellement (tu vas voir si c’est grave) comme je connais le goût de Robert pour les singes et comme il n’est pas possible d’introduire un macaque dans un appartement- me permettrais -tu de lui chercher un ouistiti ? C’est minuscule, c’est en cage comme un oiseau et c’est un singe tout de même. Mais ne lui en dis rien ! »
[19 mai] – « Vendredi soir. Il n’est pas certain ni même probable que je sois demain à la gare. Est-ce le brusque changement de temps ou peut-être la fatigue de ma journée d’hier où j’avais parlé pendant dix heures de suite : j’ai eu une vraie mauvaise nuit et un début de journée pire encore. Si je puis sortir demain à midi, nous irons tous les deux Gare du Nord ; sinon, Louise ira seule. Jamais je ne t’ai vu si peu pendant un de tes retours à Paris, bien que je sois plus sorti pour toi depuis dix jours que depuis quatre mois. Reviens le plus tôt possible. Je t’embrasse de tout cœur. »
[15 juin] – « Jeudi soir. Paz va beaucoup mieux. Je viens de la voir presque entièrement rétablie. Elle a déjeuné à table aujourd’hui et elle avait ce soir à 7h un vrai visage de guérison. Les deux enfants vont bien ; ils sont très animés et très gentils, mais un peu pâlots tout de même ; ce ne sont plus les couleurs de Cannes. On ne peut pourtant pas leur offrir mieux à Paris que la quinzaine torride d’où nous sortons. Pendant plus de huit jours, le therm[momètre] n’est pas descendu au dessous de 24 °, la nuit dans mon cabinet. Au Congo, à 2 h du matin, je crois qu’on n’a pas davantage. Louise qui étouffait s’est avisée, une nuit, d’ouvrir les fenêtres de la chambre et naturellement, cette nuit-là, il a fait brusquement 10° ; j’ai pris froid, j’ai passé une semaine détestable, toussant, étouffant, etc. et j’ai gardé la chambre sans pouvoir sortir depuis le lundi 5 juin jusqu’à aujourd’hui 15. Si je ne t’ai pas parlé de ma santé pendant cet intervalle, c’est que j’avais des choses plus intéressantes à te dire. Robert et Lallie ont joué aujourd’hui chez Fernand Gregh où ils ont vu un paon ! et un paon qui faisait la roue ! sur quoi Robert est venu déclarer dans la chambre de sa mère qu’il voulait un paon. Et nous nous sommes écriés en chœur : « Certainement ! Tout de suite ! Comment donc ! nous nous demandions ce qui manquait dans l’appartement de la rue de Tournon, c’était un paon ou plusieurs paons ». On les mettra dans la cage préparée pour le ouistiti. Je t’embrasse de cœur
Arnavon vient d’écrire à une de ses amies une lettre où il y a deux pages d’inquiétudes pour la santé de sa femme et deux pages de reconnaissance et d’effusion à ton adresse.
Connais-tu de nom la célèbre Mme Sonia Gorbatcheff qui se hâte de traduire Aphrodite en russe (avant que la convention soit signée, évidemment) et qui me fait écrire une lettre pour m’inviter à la remercier ? »
[30 juin] – « Vendredi soir. J’ai reçu aujourd’hui ton télégramme, et tes deux lettres des lundi et mardi 26 et 27. J’ai écrit aussitôt à P. mais je ne te répondrai qu’un mot ce soir parce que je viens d’avoir une assez longue consultation pour Louise qui avait depuis trois jours des expectorations un peu rouges (sans fièvre). Et comme le médecin est parti tard je n’ai que le temps d’écrire quelques mots. Il n’a rien entendu d’inquiétant à l’auscultation et il est parti tard sans laisser d’ordonnance mais en nous recommandant de passer un été de repos dans un endroit éloigné de la mer. Cela change tous nos projets. J’avais l’intention d’aller à Alger, dont le climat est très agréable en juillet. Mais dès qu’on s’éloigne de la mer, la chaleur est forte. Blidah, à 30 kms est une ville délicieuse au printemps. Je n’oserais pas y conduire Louise en été, surtout pendant une période où elle a besoin de se fortifier. Alors il est probable que nous nous dirigerons vers Gérardmer ou Bade ou quelque trou semblable.
Louise n’a rien dit à Paz du détail de santé que je viens de t’écrire, afin qu’on n’en soupçonne rien Quai Bourbon. Paz sait seulement que L. est une peu fatiguée. Ne lui en dis pas plus. Je t’embrasse de cœur. « 1415 » la phrase habile a été certainement : « Socle Pastille ». On prétend maintenant que l’auteur est « Camélia », qui n’est pas bête et qui a été à très bonne école. – c’est possible. »
Le roman Aphrodite, encensé notamment par François Coppée, avait connu un fort succès dès sa parution en 1896 et permit le lancement des éditions du Mercure de France. Les scènes libertines qui émaillent le roman étaient sans doute également en partie responsables de son succès.
Robert et Lallie sont les enfants de Georges et Paz Louis, qui demeurent alors rue de Tournon. Robert n’atteindra pas sa 20e année et mourra un an avant Pierre Louÿs.
Louise, épouse de Pierre Louÿs de 1899 à 1913, cadette des trois filles de José-Maria de Heredia. Elle épousera en secondes noces Auguste Gilbert de Voisins (1915), ami de Pierre Louÿs.
Bon état, voir photos.