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Richard WAGNER – Lettre exceptionnelle, évoquant ses liens avec Louis II de Bavière

Lettre autographe signée [à Julius Fröbel] – Luzern, 11 April 1866 [Lucerne, 11 avril 1866] – 4 pp.in-8 (14 x 22 cm), le document est monté onglet, en regard d’un feuillet présentant les portraits du compositeur et de Louis II, le tout relié dans une chemise entoilée, elle-même même disposée dans un coffret d’une élégante sobriété (33 x 22,5 cm).

 

« Avec la renaissance de l’Allemagne et sa prospérité se dresse l’Idéal de mon Art : ce n’est que dans ces conditions qu’il peut s’épanouir pleinement ! »

 

 

 

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Richard WAGNER (1813 -1883) – Compositeur et chef d’orchestre

Lettre autographe signée [à Julius Fröbel] – Luzern, 11 April 1866 [Lucerne, 11 avril 1866] – 4 pp.in-8 (14 x 22 cm), le document est monté sur onglet, en regard d’un feuillet présentant les portraits du compositeur et de Louis II, le tout relié dans une chemise entoilée, elle-même disposée dans un coffret d’une élégante sobriété (33 x 22,5 cm).

Superbe lettre aux implications politiques, affectives et artistiques évoquant largement ses liens avec le jeune roi de Bavière

En décembre 1865, Richard Wagner doit quitter Munich sous la pression des conseillers du roi Louis II de Bavière. Tombé en disgrâce en raison des prodigalités qu’il tirait du jeune roi, mais aussi du scandale causé par sa liaison avec Cosima von Bülow, le compositeur évoque son exil forcé avec amertume.

« Mein verehrter Freund !

Ihr Brief musste mir von Genf hierher nachgeschickt werden : verzeihen Sie somit die Verzögerung meiner Antwort ! – Aus Ihren Andeutungen muss ich ersehen, dass Ihnen mit der Nichtzustellung Ihres mir anvertrauten Schreibens an den König von Bayern ein Dienst geleistet ist. Noch vor wenigen Wochen überlegte ich, was damit zu thun sei. Dieser politischen Beziehung gänzliche Unmündlichkeit des jungen Fürsten ist mir so klar geworden, dass ich –für jetzt- jeden Versuch, mich an sein Urtheil nach dieser Seite hin zu wenden, aufgegeben habe. Sie selbst haben an der unverschämten Behandlung Seitens des eigentlichen politischen Geschäftsführens Bayerns erfahren, wie kindlich es in dieser Beziehung um den immerhin von mir noch als höchst hoffnungsvoll angesehenen jungen Mann – eben zur Zeit noch steht. Ihnen dieses weiter zu erklären, werde ich nicht nötig haben. Die höhere Staatskunst ist jetzt einmal in die Domaine des gemeinsten bureaukratisierten Metiers verfallen : von dieser widerlichen Maschinerie erschrickt der phantasievolle Jüngling, und seine Stärken äussert sich von der Hand noch als ein scheuer Respekt. Warten wir ab, was die unausbleiblichen Lehren der Zeit zeigen werden ! –

Meine persönliche Lage war bisher nicht erfreulich : meinen Entschluss, mich gänzlich aus München zu wenden, erschütterte die ergreifendste Kundgebung der grossen Liebe des Königs zu mir, und seines Wunsches, an meine andere dauernde Niederlassung, als die begonnene in München zu denken., der Schreck über die, in diesem Sinne ausgesprochenen Wünsche des Königs, scheint bei den Herren in München gross gewesen zu sein : Meister Pfordten ward vor ihnen wieder vorgeritten, und musste dem Könige von Neuem drohen, bei meiner Zurückkehr sein Portefeuille niederzulegen, – was „bei den jetzigen akuten Zeitverhältnissen grosses Unglück über Bayern bringen müsste“. _ Ich bin nun so glücklich gewesen, hier – am Luzerner See – ein für mich geeignetes Landhaus zu finden, welches ich auf 1 Jahr gemietet habe : dieses erst verspricht mir, mit productiver Lust meine Arbeiten wieder aufnehmen zu können. Der König, der diess neuerdings erfuhr, war darüber bestürzt, und beschwor mich, in schönster und wahrhaft begeisternder Hingebung, sogleich eines seiner Jagdschlösser in Oberbayern zu beziehen, um in einigen Monaten ungestört mein Münchener Haus wieder zu beziehen. Es kostete mich – in Betreff der Gefühle, welche in mir hier niederzukämpfen waren, grosse mühevolle Noth, bei meinem Entschlusse zu verlassen, und dem herrlichen jungen Mann dies anzukündigen. Dort– wird es nun dabei bleiben. — So schwer und unberechenbar die Entwicklung dieses letzten hoch begabten deutschen Fürsten zur vollen, dem deutschen Volke zum Heil bestimmten Reife, fallen möge, bleibt doch mein Glaube an Ihn — aber einzig an Ihn unerschütterlich fest. Den Schlüssel zu dem, was Ihn bewegt, bildet und zu Grossem bestimmen wird, – diesen besitzt Hr. v.d. Pfordten nicht, – dies versichere ich Ihnen: da ich nun aber glaube, Ihm unendlich näher zustehen, als namentlich selbst auch sein so kostbarer Auswärtsminister so können Sie wohl leicht denken, dass ich, nun einem höchsten und erhabensten Zwecke zu dienen – dem einzigen, dessen Erreichung mich zu irgend solchen Compromissen bestimmen durfte, an ein Compromiss mit Hr.v.d.Pfordten am allerwenigsten denke. Wem dieser sonderbare Parvenu dient, wird Er vielleicht wissen, — vielleicht weiss er’s auch nicht: — ich weiss es aber, — und diese Wissenschaft ist traurig. –

Es scheint aber, dieses eine Pf. hat Ihnen neuerdings nicht so übel gefallen. – lb, verehrter Freund! Nicht zu viel Politik! — Aber genug von dem unerfreulichen Zeug! Schön ist es, und es freut mich, dass Sie wieder Lust haben, es diesseits des Ozean auszuhalten : gut ist’s am Ende doch auch, dass Sie von Ihrem österreichischen Engagement los sind. dass Sie mit der Anerkennung ihrer geistigen Wirksamkeit zufrieden sind, ist für mich ein ermutigend schönes Zeichen. Auch mich stimmt dies hoffnungsvoll, denn dieses Eine wird mir immer klarer, – mit Deutschlands Wiedergeburt und Gedeihen steht u. fällt das Ideal meiner Kunst : nur in jenem kann dieses gedeihen ! — So wirken wir denn vereint, und — hoffen wir ernstlich, uns bald auf einem würdigen Schauplatze gemeinsamer Wirksamkeit dauernd begrüßen zu können.

Herzlichst ergeben der Ihrige »

Traduction : Mon cher ami ! Votre lettre a dû m’être transmise ici depuis Genève: pardonnez donc ma réponse tardive !

D’après vos allusions je dois comprendre que la non délivrance au roi de Bavière de la lettre – dont vous m’aviez confié le contenu – vous a rendu service. Il y a encore seulement quelques semaines, je me demandais ce qu’il était possible de faire à ce sujet.

Sur la question politique, la totale immoralité du jeune Prince m’est devenue si évidente, que j’ai renoncé – pour le moment – à toute tentative de m’en remettre à tout jugement de son point de vue. Vous avez vous-même fait l’expérience du traitement scandaleux qui est fait par l’exécutif politique actuel de la Bavière et avec quelle naïveté sur ces questions réagit présentement ce jeune homme, pour qui je continue toutefois de nourrir les plus hautes espérances. Il n’est pas nécessaire de vous l’expliquer davantage. L’art supérieur de la politique est tombé aux mains de la bureaucratie la plus vile : cette machine répugnante effraie ce jeune homme plein d’imagination, et il est indéniable que ses forces ne s’expriment qu’avec un respect timide. Attendons de voir quelles leçons le temps ne manquera pas de tirer de tout cela !

Jusqu’à présent ma situation personnelle n’a pas été très agréable : ma décision de me détourner de Munich a été ébranlée par la déclaration des plus émouvantes du grand amour que le roi avait pour moi, et par son désir de réfléchir à stabiliser ma nouvelle situation, comparable à celle dont je commençais à bénéficier à Munich. La crainte, que les intentions que le roi a exprimées en ce sens a fait naître chez les maîtres de Munich, a été grande : Maître Pfordten est reparti à la charge et dut de nouveau menacer le roi de renoncer à son portefeuille dans l’hypothèse de mon retour, – ce qui « dans le contexte aigu actuel ne manquerait pas de causer un grand malheur pour la Bavière ». Je suis à présent si heureux d’avoir trouvé ici, sur les rives du lac de Lucerne, une maison de campagne qui me convienne et que j’ai louée pour une année : c’est pour moi la promesse de pouvoir reprendre mes travaux avec un désir créatif. Le roi, qui a découvert ceci récemment, en a été bouleversé et m’a imploré avec une dévotion des plus belles et des plus véritablement passionnées pour que je m’installe immédiatement dans un de ses pavillons de chasse en Haute-Bavière, de façon à ce que, dans quelques mois, je puisse aisément emménager de nouveau dans ma maison de Munich. La lutte que j’ai du mener contre mes sentiments pour renoncer à ma décision et pour l’annoncer au merveilleux jeune homme, m’a causé une détresse douloureuse. Voilà où nous en sommes – Aussi difficile et imprévisible que puisse être le devenir de ce dernier prince allemand merveilleusement talentueux, que la maturité destine au salut du peuple allemand, ma foi en lui reste inébranlable, mais en lui seulement. La clef de ce qui le motive sera façonnée et définie par la grandeur,- Hr.v.d. Pfordten ne peut y pourvoir, – je vous l’assure : puisque je crois être à présent infiniment plus proche de lui, notamment que son précieux ministre des Affaires étrangères lui-même. Vous pouvez donc facilement imaginer que je sers à présent un idéal plus élevé et plus noble, le seul qui puisse me contraindre à de tels compromis, et ne m’en autorise pas le moindre avec Hr.v.d. Pfordten. Au service de qui est ce curieux parvenu, peut-être le saura-t-il, peut-être ne le sait-il pas – Mais moi je le sais, et cette science est triste.-

Mais il semble que ce Pf. ne vous ait pas autant déplu ces derniers temps – cher ami ! Trop de politique ! Assez de choses désagréables ! C’est magnifique et je me réjouis que vous ayez de nouveau envie de vous tenir de ce côté de l’océan : finalement c’est aussi une bonne chose, que vous soyez délivré de votre engagement en Autriche, que vous tiriez satisfaction de la reconnaissance de votre efficacité spirituelle est pour moi un signe d’une beauté réconfortante. Cela me remplit aussi d’espoir, car ceci devient de plus en plus clair pour moi, – Avec la renaissance de l’Allemagne et sa prospérité se dresse l’Idéal de mon Art : ce n’est que dans ces conditions qu’il peut s’épanouir pleinement !

Agissons donc de concert, et souhaitons sincèrement de pouvoir bientôt continuer à nous féliciter d’une efficacité conjointe dans un cadre digne. Cordialement.

 

Nommé en 1864 aux fonctions de Ministre de la Maison du roi et des Affaires étrangères de Louis II de Bavière, Heinrich von der Pfordten (1811-1880) sera un opposant farouche à Richard Wagner et à son influence comme « favori » du roi ; il parviendra à faire plier le jeune souverain et sera le principal responsable de l’expulsion du compositeur de Munich. Louis II ne lui pardonnera d’ailleurs pas et profitera de la défaite dans le conflit austro-prussien pour le remplacer par le prince Chlodwig zu Hohenlohe-Schillingsfürst après la défaite de Sadowa (3 juillet 1866).

Après diverses publications scientifiques Julius Fröbel (1805-1893), devenu suisse en 1833, se tourne vers la politique dès 1844 pour défendre les idées de l’opposition radicale. Il est élu au Parlement de Francfort lors de la Révolution de 1848, arrêté à Vienne lors d’un déplacement avec Robert Blum, condamné à mort, puis gracié. Après une période d’exil aux États-Unis, il sera de retour en Allemagne pour séjourner ensuite à Londres jusqu’en 1862 et venir finalement s’installer à Vienne où il deviendra un leader fédéraliste. Entre 1862 et 1873, Fröbel édite des journaux à Vienne et à Munich, où Wagner lui apporte son soutien.

 

Quelques marques d’usure, voir photos.