STENDHAL – Belle lettre à Pauline, évoquant ses amours et son ambition
Lettre autographe signée adressée à sa sœur Pauline Périer-Lagrange, à Grenoble – [château de Richmond, près de Brunswick, juin 1808] – 3 pp. in-8, adresse au verso du second feuillet avec marque N°51. GRANDE-ARMÉE, cachet de cire rouge.
« Mais sois adroite, fais la cour à l’époux pour plaire à l’épouse. Mon amour pour elle s’accroît par l’absence ce qui prouve la vérité de la romance du marquis de Tulipano »
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STENDHAL (Henri Beyle, dit. 1783 – 1842) – Écrivain
Lettre autographe signée adressée à sa sœur Pauline Périer-Lagrange, à Grenoble – [château de Richmond, près de Brunswick, juin 1808] – 3 pp. in-8, adresse au verso du second feuillet avec marque N°51. GRANDE-ARMÉE, cachet de cire rouge, encre brune sur papier gris-brun.
Belle lettre intime de Stendhal à sa sœur
« J’ai eu hier une lettre de toi. Allons, cherche un peu comment elle m’est venue…
Par Mélanie [Mélanie Guilbert, qui a été sa maîtresse de 1804 à 1806 et est alors en tournée] qui va à Petersbourg, et à qui, j’ai eu le plaisir de donner à déjeuner hier à Richmond.
Elle m’a remis cette lettre parce que elle craint de la perdre en voyageant. Je lui ai dit que je n’en recevais pas de toi, depuis 6 mois. Elle m’a conseillé en riant de faire un peu la Coquette.
Je sais mieux ce qui se passe à Naples et à Paris, qu’à Grenoble.
Dis moi ce que c’est qu’un Domaine nouvellement acheté par notre père et dont mon grand papa me parle. Où est-il ? Qu’est-ce ? Est-ce une bonne affaire ? [son père, Chérubin Beyle, venait de faire l’acquisition du domaine de la Grande ferme à Saint-Pierre d’Allevard, acheté au comte François de Barral].
Je voudrais bien que mon père devint assez riche, et bien voulant pour moi, pour que je pusse compter sur Claix for my declining ages [pour mes vieux jours].
Ça m’ôterait bien du souci que cette maudite ambition me donne. Écris-moi à fond sur tout cela. Non plus en âme tendre, tu ne l’as plus puisque tu ne m’écris pas, mais en femme raisonnable et froide, qui ne dit que ce qu’elle sait être, et qui ne prend point ses désirs pour des réalités. Si je pouvais reprendre cette heureuse habitude, je verrais là, sur mon Bureau, une longue lettre de toi.
Je pense que tu embrasses assez souvent Périer, mais embrasse-le une fois de plus pour moi, le premier moment que tu le verras, après avoir lu ma lettre. Il m’en aura de la reconnaissance.
Ensuite, je te nomme mon Ambassadrice auprès de l’excellent Tivollier et de sa femme. Mais sois adroite, fais la cour à l’époux pour plaire à l’épouse.
Mon amour pour elle s’accroît par l’absence ce qui prouve la vérité de la romance du marquis de Tulipano [par référence au personnage de La fausse Comtesse de Paisiello]. Tâche de lui persuader de m’aimer un peu. »
Depuis octobre 1806, Henri Beyle, qui n’est pas encore Stendhal, a progressivement trouvé sa place dans l’armée et est chargé à partir de janvier 1808, comme officier d’intendance de Napoléon, d’administrer les domaines impériaux du département de l’Oder. Il séjourne alors au château de Richmond, où il s’installe régulièrement pendant l’été, de juin à septembre. Sa sœur Pauline venait d’épouser François Daniel Périer-Lagrange, le 25 mai ; son frère évoque ici Séraphine Tivollier, dont il est tombé amoureux, laquelle, née Périer-Lagrange, est donc la belle-sœur de Pauline.
Un manque de papier dû à l’ouverture au cachet, n’affectant pas le texte, voir photos.