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Antoine BOURDELLE – Très belle lettre à P. & V. Margueritte sur la guerre de 1870

Lettre autographe signée adressée à Paul et Victor Margueritte – Paris, 16, Impasse du Maine, 4 novembre 1902 – 4 pp. in-8, à l’encre violette.

 

« ces pages me tiennent le cœur comme des tenailles rougies. L’incendie de la Cathédrale est hideusement beau »

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Émile-Antoine BOURDELLE (1861 – 1929) – Sculpteur

Lettre autographe signée adressée à Paul et Victor MargueritteParis, 16, Impasse du Maine, 4 novembre 1902 – 4 pp. in-8, à l’encre violette.

Très belle lettre élogieuse sur leur cycle de la guerre de 1870

« Quelle douleur cela donne cette terrible lecture de vos livres, quel mal au cœur, et quel bien aux Français, qui, tous, tous, devraient les connaître par cœur. J’ai lu, les nuits passées  toute l’épopée de votre père, l’héroïque général Margueritte ; combien votre tâche, ô braves gens vous-mêmes, était rude et belle et qu’elle sombre joie en aurait le général, s’il pouvait voir le combat continué ainsi plus en haut par ses fils [Paul et Victor Margueritte sont les fils du général Jean-Auguste Margueritte (1823-1870), tué à Sedan].
Ils ont passé les Chass d’Aff en votre personne, en votre amour tenace et le lion peut être glorieux de ses fils.
J’en suis à Strasbourg et je suis navré. Votre œuvre est noble, utile, terrible ! très belle parce qu’elle est vraie ! on le sent ! Vous osez tout dire ! Le courage chez vous deux, ô chers amis est à la hauteur de votre art. Cette histoire que vous gravez là, vibre de vérité affreuse, d’épouvante ! Que puisqu’il y a encore des armées ! chaque officier grand et petit vous lise, c’est mon vœu le plus ardent, comme ce vœu est visiblement le votre.
Il y a encore bien des choses pareilles à ces temps du bombardement de Strasbourg. Le nationalisme aveugle est là comme les Ansbecque, orgueilleux et téméraires. Je connais des Allemands, des Allemandes, c’est un peuple bien sérieux, travailleur, intelligent et d’âme plus neuve. Tandis que plusieurs (trop !) des pantins qui nous gouvernent que sont ils en face du bloc Allemand ?

C’est admirable l’incendie de la Bibliothèque. Comme vous avez la vision en fils de Michelet. Comme vous ressuscitez l’atroce meurtre du corps et de l’esprit et de la pierre pivot central. Cela, ce livre, c’est un chef d’œuvre d’intelligence et de cœur, il y a là toute l’humanité apitoyée et toute la beauté de la pensée voyante et créatrice. Ah !vous m’avez donné de beaux livres douloureux, Dieu veuille qu’on n’en écrive de longtemps de pareils car ces pages me tiennent le cœur comme des tenailles rougies. L’incendie de la Cathédrale est hideusement beau, seulement je le lis péniblement et c’est votre plus grand éloge, je ne puis le lire, car il y a évocation de vérité, d’une si écrasante vérité à l’aune  de l’homme comme à l’aune de l’artiste !
Que c’est beau cet Anselme jouant du Beethoven sur son violon, dans l’écroulement sous l’abattage violent des boulets Allemands. L’âme  la plus grande de l’Allemagne dominant le crime, les guerres !

La séparation de Lise et d’André est poussée au sublime, votre volonté y est visible, d’un symbole et en même temps c’est vrai, bien des divisions eussent crucifié les deux jeunes gens très familiaux. Je sens que cet admirable livre ferait de l’épopée […] au théâtre, tant de scènes, tant d’antithèses, l’amour, l’art, le violon jouant du Beethoven brodant ses fleurs de divin sur l’horreur, sur la folie meurtrière des conquérants.
Je suis suffoqué, je vous ai écrit durant une part de la nuit, en vous lisant, je pleure comme une grosse bête et je vous dis tout cela avant d’ouvrir l’autre moitié (Au siège de Paris). A vous, clairs, féroces, courageux, puissants historiens. De tout mon cœur, de toute mon admiration
. »

Entre 1898 et 1904, Paul et Victor Margueritte font paraître Une époque, en 4 volumes : Le Désastre, Les tronçons du glaive, Les braves gens et La Commune.

À noter que l’expression « tronçon du glaive » inspirera le général de Gaulle, admirateur de l’héroïsme des combattants de 1870, dans son discours du 13 juillet 1840 qui précise les thèmes de l’appel du 18 juin : « Eh bien ! puisque ceux qui avaient le devoir de manier l’épée de la France l’ont laissé tomber, brisée, moi, j’ai ramassé le tronçon du glaive […]. »

Plis d’usage, voir photos.