Antonin ARTAUD – Sur le cinéma allemand, à son retour de Berlin
Lettre autographe signée adressée à Henri Philippon – Paris, 28 juillet 1932 – 2 pp. in-4 (20,4 x 26,4 cm), à l’encre bleue sur papier à en-tête imprimé Le Dôme – Café-Bar Américain, enveloppe conservée, adressée à Monsieur Henri Philippon / Café des Deux Magots / Place Saint Germain des Prés.
« Et je ne peux pas laisser dire qu’il faut employer les acteurs de théâtre pour faire de bons films, j’ai dit que dans l’état actuel du cinéma et puisqu’on faisait des films et du cinéma de théâtre ils n’étaient plus des acteurs de théâtre mais parce que ce cinéma n’est plus du cinéma. »
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Antonin ARTAUD (1896 – 1948) – Écrivain, acteur et théoricien du théâtre
Lettre autographe signée adressée à Henri Philippon – Paris, 28 juillet 1932 – 2 pp. in-4 (20,4 x 26,4 cm), à l’encre bleue sur papier à en-tête imprimé Le Dôme – Café-Bar Américain, enveloppe conservée, adressée à Monsieur Henri Philippon / Café des Deux Magots / Place Saint Germain des Prés.
Sur sa vision du cinéma allemand développée au cours d’un entretien
« Cher Ami, Je pense qu’on a du vous sabrer terriblement votre interview de Pour Vous d’hier, car les paroles qu’on m’y fait dire ainsi tronquées sont idiotes et j’y ai vraiment l’air d’un con. Je suis désolé mais ce n’est pas possible et cela m’oblige encore à une rectification. La dialectique de Hegel demeure en suspens dans une phrase et fait figure d’un monstre de torture. Et je ne peux pas laisser dire qu’il faut employer les acteurs de théâtre pour faire de bons films, j’ai dit que dans l’état actuel du cinéma et puisqu’on faisait des films et du cinéma de théâtre ils n’étaient plus des acteurs de théâtre mais parce que ce cinéma n’est plus du cinéma. De même pour les opérateurs du cinéma français qui supportent un état de choses qu’ils n’ont pas créé.
J’ai envoyé une lettre de quelques lignes à Pour Vous où je rétablis les choses et il faut qu’ils la publient. »
Joint : un manuscrit autographe d’Antonin Artaud évoquant ce sujet (4 pp. in-8, plis usés) :
« À Berlin le niveau intellectuel et artistique du cinéma est terriblement plus élevé qu’ici c’est indéniable. Il y a pourtant à dire sur l’école de cinéma centrée autour de la Ufa [Universum Film AG]. Mais les films obéissent à une inspiration technique et artistique analogue. Et la haute qualité de ces films les rend vendables et commerciaux au détriment de la qualité au lieu qu’ils soient commerciaux au détriment de la qualité. À Berlin on pense qu’un film pour être vendable doit être de qualité. Ici on pense qu’il doit être grossier, vulgaire, bête et banal et les plus grands des films français faits sur ce principe de vulgarité et de sottise sont de sinistres navets. À Berlin on a amélioré une certaine aisance [?] de la valeur artistique et de la qualité technique et on pousse au paroxysme la recherche de cette valeur et de cette qualité. […] »
Le 28 juillet 1932, Antonin Artaud accorde un entretien à Henri Philippon, journaliste de l’hebdomadaire Pour Vous. Leur échange porte sur le cinéma allemand dont l’évolution est, selon le journaliste, soumis à la dialectique hégélienne. Artaud est alors de retour de Berlin, où il vient de tourner dans le film franco-allemand Coup de feu à l’aube de Serge de Poligny.
Mécontent de l’article, estimant que ses propos ont été tronqués, il demande la publication d’une rectification ; le journal publiera donc des extraits de sa lettre de rectification dans son numéro du 11 août suivant.
Le journaliste Henri Philippon (1908-1981) avait fondé la revue littéraire La Courte paille (12 numéros, de mars 1929 à février 1932), où il publia des textes de Max Jacob, Roger Vitrac ou André Salmon, il fut aussi l’un des trois membres fondateurs du prix des Deux-Magots (1933).
Bon état, voir photos.