Claude MONET – Rare ensemble de 4 lettres évoquant Edouard Manet et son “Olympia”
Exceptionnel ensemble de 4 lettres autographes signées, dont 3 autour de la souscription initiée par Claude Monet en vue du rachat de l’Olympia de Manet.
« si vous ne l’avez déjà fait vous seriez bien aimable, de dire quelque chose en faveur de l’Olympia et de l’œuvre que nous poursuivons et que l’on cherche à dénaturer et à entraver »
Vendu
Claude MONET (1840 – 1926) – Peintre, fondateur de l’impressionnisme
Exceptionnel ensemble de 4 lettres autographes signées autour de la souscription initiée par Claude Monet visant à collecter des fonds pour le rachat de l’Olympia de Manet.
« Vous avez bien voulu vous mettre à ma disposition pour soutenir la manifestation dont je m’occupe pour notre cher Manet. Voilà le moment venu de mettre votre obligeance à profit. »
Lors de la vente qui fait suite au décès d’Edouard Manet (avril 1883), son œuvre qui avait fait scandale au salon de 1865, Olympia, ne trouve pas preneur. Elle est conservée par sa veuve, Suzanne Manet, qui la remet en vente six ans plus tard. Claude Monet organise alors avec de nombreux amis une souscription en vue de l’acquérir et d’en faire donation au musée du Louvre. Antonin Proust, ministre des Beaux-Arts, s’opposera à cette consécration estimant « qu’il n’était pas encore temps ». L’œuvre prendra place au musée du Luxembourg, jusqu’à ce qu’en 1907, Georges Clemenceau, ami de Monet, l’installe au Louvre, face à La Grande Odalisque d’Ingres. Elle est aujourd’hui conservée au musée d’Orsay.
– À Edmond Bazire – Giverny par Vernon, 24 janvier [18]90 – 3 pp. in-8, à l’encre violette (17,5 x 11 cm).
« Vous avez bien voulu vous mettre à ma disposition pour soutenir la manifestation dont je m’occupe pour notre cher Manet. Voilà le moment venu de mettre votre obligeance à profit.
Vous n’ignorez pas les bruits mis en circulation par Monsieur Proust pour faire avorter notre entreprise sans doute parce qu’il n’en est pas l’instigateur.
Je compte venir dans le courant de la semaine prochaine à Paris et désirerai bien vous voir, je viens donc vous prier de me faire savoir par un mot où et quand il me serait possible de nous voir par causer de cela avec vous (j’aurai soin d’apporter le dossier de cette affaire).
En attendant, si vous ne l’avez déjà fait vous seriez bien aimable, de dire quelque chose en faveur de l’Olympia et de l’œuvre que nous poursuivons et que l’on cherche à dénaturer et à entraver. Il faudrait arriver à mettre l’État dans l’impossibilité de refuser notre don. Il y a du reste, parmi les souscripteurs assez de noms autorisés et je crois aussi compétents que Monsieur Proust qui montre à la souscription, un caractère significatif. Vous en jugerez par les lettres que j’ai reçues. Je compte donc sur votre obligeance sachant bien d’avance le dévouement que vous portez à la mémoire de Manet. […] »
Au lancement de la souscription en novembre 1889, Antonin Proust (1832-1905) n’émet pas d’objection à l’entrée de l’œuvre au Louvre, puis dans un entretien avec Gaston Calmette paru dans Le Figaro du 21 janvier, le ministre exprime un soudain revirement de position, prétendant que finalement l’opération n’avait pour but que de remédier aux difficultés financières de Madame Manet. Cette interprétation des faits met Claude Monet dans une rage folle, il tente de faire publier des rectificatifs par voie de presse et va jusqu’à une proposition de duel avec Proust. Les témoins pressentis, Théodore Duret et Gustave Geffroy, parviennent toutefois à désamorcer le conflit.
Le journaliste et critique d’art Edmond Bazire (1846-1892) est l’auteur d’une étude sur Manet (1884) ; à la sollicitation de Monet, il avait répondu par un courrier en date du 5 novembre 1889 : « Mon cher Claude Monet, ai-je besoin de vous assurer que je suis avec vous de tout cœur. Si j’étais riche…mais je ne le suis pas du tout et je dois me borner à m’inscrire pour 25 francs. Inutile d’ajouter que je suis à votre disposition entière pour courir, pour agir, pour obtenir […] »
– À Stéphane Mallarmé – Giverny par Vernon, 22 fév[rier] [18]90 – 1 p. ½ sur un double feuillet in-8, à l’encre violette (18 x 11,4 cm), enveloppe conservée : Monsieur Mallarmé. 89 rue de Rome. Paris.
« Vous seriez bien aimable de m’adresser le plus tôt possible le montant de votre souscription, ainsi que celle de votre ami, Monsieur Dauphin [Léopold Dauphin (1847-1925), poète et compositeur, ami intime de Mallarmé]. Je voudrais pouvoir en terminer et remettre la totalité de la souscription à Madame Edouard Manet, avant la réponse officielle du Ministre. Je compte sur vous pour me répondre dès que vous serez en possession de ces lignes. Tout à vous d’amitié »
– À Stéphane Mallarmé – Giverny par Vernon, 24 fév[rier] [18]90 – 1 page sur un double feuillet in-8, à l’encre violette (18 x 11,4 cm).
« Pour la bonne régularité, je vous accuse réception de votre envoi de cinquante francs pour votre souscription et celle de Monsieur Dauphin à l’achat de l’Olympia.
à jeudi, je me fais une fête d’entendre votre conférence. amitiés »
– À Gustave Geffroy – Giverny par Vernon, 28 avril 1905 – 1 page sur un double feuillet in-8, à l’encre violette (21 x 13,5 cm), à son adresse en coin, enveloppe conservée : Monsieur G. Geffroy. 210 Bould Péreire. Paris.
« Ces deux mots pour vous rappeler, que je vous attendrai lundi 1er mai à la gare de Vernon, au train qui part de Paris vers 8h ½ je crois, ne vous trompez pas car à la même heure à peu près il y en a un autre rapide pour Rouen qui n’arrête pas à Vernon. Apportez votre cidre et la donation Manet. à lundi amitiés. »
Il s’agit ici de la nouvelle campagne de 1905, lorsque Monet ouvre une seconde collecte pour placer enfin Olympia au Louvre. Elle fait suite à un article paru en février (L’Événement du 16 février 1905), qui constatant le refus du Louvre de placer une statue de Gérôme dans le jardin de l’Infante, relayait la proposition de Gustave Geffroy d’y faire entrer Olympia, en forme de compensation. Dans une lettre adressée par Monet à Geffroy datée du 22 février 1905, le peintre acquiesce : « – Oui, certes il est temps de mettre l’administration en demeure de placer Manet au Louvre, et il faut mener ça tambour-battant ! […] Si vous avez besoin d’autres renseignements, ne vous gênez pas, car pour Manet, il n’est rien que je ne fasse. » (Monet, sa vie, son temps, son œuvre – Gustave Geffroy, 1920). Antonin Proust décède la même année, le 20 mars.
Claude Monet devra cependant attendre le soutien de son ami Clemenceau, il exprime sa joie dans une lettre du 8 février 1907 adressée au même : « – Vous avez vu qu’enfin l’Olympia de Manet est au Louvre. Étant à Paris l’autre jour, j’eus l’idée l’aller trouver Clemenceau et de lui dire qu’il était de son devoir de faire cela. Il l’a compris, et en trois jours la chose a été faite ! Et combien j’en suis heureux, et pour ma satisfaction, et pour les donateurs de ce chef-d’œuvre dont j’étais le représentant. J’en reste bien reconnaissant à Clemenceau. »
La première lettre à Mallarmé a déteint sur la seconde, traces d’humidité sur les deux et plis consolidés sur la seconde. Bon état pour les deux autres lettres. Voir photos.