COLETTE – Belle lettre adressée à Marguerite Moreno (1947)

Sidonie-Gabrielle COLETTE (1873 – 1954) – Femme de lettres

Lettre autographe signée adressée à Marguerite Moreno – [Paris, 22 novembre 1947] – 3 pp. in-8 obl. sur papier bleu, enveloppe conservée.

Jolie lettre écrite quelques mois avant la disparition de son amie

Comme dans toutes les lettres à Marguerite Moreno, sans doute les plus belles de sa correspondance, Colette relate avec tendresse les aléas de son quotidien.

« Ma Marguerite, C’est une bien petite lettre que je commence. J’en suis aux derniers jours des lectures pour le Goncourt, et il en vient encore, de ces romans dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont nombreux.
Tu vas donc venir. Je le croirai quand je te verrai assise près de mon lit-divan. Savoir que tu marches sans peine, c’est déjà épatant. Ma damnée jambe est terrible je ne puis presque pas descendre l’escalier. m… ! N’en parlons pas.
Te voilà donc éprise de Françoise ma Marguerite. J’irai la voir. Toute ma vie, j’ai pensé, et éprouvé, que la contemplation d’un enfant irréprochable est un spectacle qui comble beaucoup de nos exigences. Encore maintenant, je peux contempler très longtemps un bel enfant, sans rien lui demander que d’être vivant et beau, en me souvenant d’un mot de ma mère qui n’aimait pas qu’on caressât de trop près la créature intacte et qu’on l’embrassât : « laisse disait-elle, tu vas la faner ! ». Je livre ce mot à Pierre [Pierre Moreno (1895-1965), comédien lui aussi, est un cousin proche de Marguerite Moreno. Françoise est la fille née en 1947 qu’il a eue avec son épouse Micheline], et à la maman de Françoise.
Viens vite me raconter « ta vie et tes miracles » ; Je vous embrasse tous, et Maurice [Maurice Goudeket (1889-1977, troisième et dernier époux de Colette, rencontré en 1925 grâce à Marguerite Moreno] est tout fondant d’amitiés. Ta Colette
P.S le vin ? il me console de beaucoup de maux et personne ne me le défend. »

Marguerite Moreno, qui était de deux ans l’aînée de Colette, meurt le 14 juillet de l’année suivant à Touzac.

Le Prix Goncourt 1947 sera remis le 9 décembre à Jean-Louis Curtis pour Les Forêts de la Nuit avec l’appui de Lucien Descaves. La presse avait donné comme grand favori Jacques Perret pour Le Caporal épinglé, qui n’obtiendra que 2 voix. Pour sa part, Colette avait surtout apprécié cette année-là Le Raisin de maïs de Raymond Dumay.

Bon état, voir photos.