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Guillaume APOLLINAIRE – Belle lettre à son “petit Loupiot” depuis le front (1915)

Lettre autographe signée Gui adressée à son petit Loupiot [Louise de Coligny-Châtillon] – S.l. [depuis le front], 28 mai 1915 [plus probablement du 27] – 4 pp. in-8, sur papier fin.

 

« Cependant, je me dis parfois qu’après tout il n’est pas incorrect, après tout, de baiser une femme sur le front. »

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Guillaume APOLLINAIRE (1880 – 1918) – Poète

Lettre autographe signée Gui adressée à son petit Loupiot [Louise de Coligny-Châtillon] – S.l. [depuis le front], 28 mai 1915 [plus probablement du 27] – 4 pp. in-8, sur papier fin.

Belle lettre à Lou écrite sur le front, en Champagne

« Ci-inclus un petit mandat, excuse-moi de ne pouvoir faire mieux. Hier pas de lettre de toi, comme tu m’en avais averti, d’ailleurs. J’espère que tu t’es bien amusée à Versailles. Moi, j’aurais bien envie de faire pan-pan, mais je dois garder mon vœu. Cependant, je me dis parfois qu’après tout il n’est pas incorrect, après tout, de baiser une femme sur le front. Mais j’ai trop de respect de moi-même pour manquer à ma parole donnée à moi-même et tout cela se borne donc à un mot que je te livre et qu’en arrangeant tu pourras attribuer à un grand général. Histoire d’animer les conversations. On dit que les Italiens marchent bien. C’est peut-être eux qui arriveront à Berlin avant les Russes [la réunion de l’Italie à la Triple-Entente est annoncée dans le journal de Versailles de la veille]. Il paraît qu’on a pavoisé à Paris. Je t’ai envoyé hier deux photos de l’échelon dans la forêt. En ce moment, il fait beau et cette forêt serait très agréable, même avec ses rats et ses couleuvres, s’il n’y avait pas de moustiques. Je crois qu’incessamment nous allons avancer. Je te raconterai beaucoup d’histoires amusantes mais aujourd’hui suis fatigué (pas malade, fatigué). J’irai balader toute la journée. J’ai une nouvelle culotte bleu ardoise avec passepoil rouge qui est épatante et me va très bien. Je vais aller la montrer à la ville et tâcher d’arriver vers l’heure du bombardement afin d’aller dans les caves ce qui est beaucoup plus rigolo. Berthier va mieux [le maréchal des logis René Berthier, qui sera un des 25 dédicataires du recueil Case d’Armons] et je l’ai emmené avec moi pour lui montrer un peu la contrée que je connais maintenant épatamment et où tout le monde me connaît aussi. Je voudrais tâcher d’avoir une permission de 2 jours pour Epernay ou Chalons ou Troyes. Si tu pouvais venir me dire bonjour en amie ?…Dis si c’est possible de ton côté. Réponds bien clairement en mettant seulement initiales des villes où ce serait plus facile.

P.S Le vaguemestre a mis De Chât[illon] Coligny au lieu du contraire alors je mets ça aussi sur ma lettre pour que tu aies une enveloppe. Je ferai de même avec ma lettre de demain. »

Mobilisé sur le front depuis avril 1915, Apollinaire prend part aux manœuvres de son régiment d’infanterie engagé en Champagne. Lou et lui sont séparés mais restent amis et entretiennent une correspondance régulière. À cette époque Guillaume Apollinaire a déjà fait la rencontre de Madeleine Pagès qu’il demandera en mariage mais n’épousera finalement pas.

C’est également pendant cette période que le poète forme le projet d’une plaquette réunissant ses plus récents poèmes qui serait vendue au profit des blessés de guerre. Ce recueil imprimé le mois suivant prendra le nom de Case d’Armons dont le tirage sera confidentiel.

Les événements de Versailles font probablement référence aux festivités qui ont lieu à Versailles pour célébrer l’entrée en guerre de l’Italie qui rejoint la Triple-Entente le 24 mai. Dans sa lettre du lendemain (le 28 donc), il lui écrit : « Ptit Lou, je vois avec plaisir que tu ne t’es pas embêtée à Versailles ; la poésie et le printemps étaient de la partie. Qu’est ce que ça peut bien être que ces poilus qui reviennent des tranchées malade, blessés ou dégonflards des gares régulatrices […] ». Louise de Coligny-Châtillon se portait également parfois volontaire bénévole auprès des hôpitaux militaires.

Références : Lettres à Lou, pages 410 et 411, L’Imaginaire Gallimard.

 

Bon état, voir photos.