Loading...

Guillaume APOLLINAIRE – Belle lettre illustrée d’un autoportrait (1915)

Lettre autographe signée Guillaume Apollinaire adressée à sa chère petite Mireille [Mireille Havet]. [Nîmes, 3 janvier 1915]. 2 pp. in-8 (11 x 17 cm), à l’encre violette sur papier surligné, dessin à la mine de plomb au centre du feuillet.

 

« c’est épatant d’être militaire et je crois que c’est un vrai métier pour un poète »

 

 

Vendu

Guillaume APOLLINAIRE (1880 – 1918) – Poète et écrivain

Lettre autographe signée Guillaume Apollinaire adressée à sa chère petite Mireille [Mireille Havet]. [Nîmes, 3 janvier 1915]. 2 pp. in-8 (11 x 17 cm), à l’encre violette sur papier surligné, dessin à la mine de plomb au centre du feuillet.

Belle lettre illustrée d’un autoportrait en uniforme d’artilleur

Apollinaire revient de Nice, où il a passé sa permission : « D’une permission de 24h, j’ai tiré trois jours, ce qui est certainement de la haute mathématique […] je me suis bien amusé. Mes éperons et mon étui à revolver ont eu un grand succès avec mes houseaux dans une ville où il n’y a que de l’artillerie lourde. Je vous envoie mon portrait approximatif avec mon étui à revolver, mon sabre, mon fouet, mon cheval et un canon. Tout ça est épatant et s’il me tarde que ce soit fini, c’est plutôt à cause de mes amis et de la liberté qui manque un peu aux simples soldats, car sans ça c’est épatant d’être militaire et je crois que c’est un vrai métier pour un poète. J’espère être bientôt gradé. Alors la vie sera plus chic. Vous savez qu’il n’y a que les femmes et les civils qui s’occupent de la guerre, nous autres nous nous en foutons. J’espère devenir en peu de temps bon cavalier, car on ne nous ménage pas sans cela et tout le temps sans étrier, trois fois des chevaux qui ruaient m’ont fait partir en bombe, une fois sur une sale route pleine de cailloux pointus, mais me suis rien fait. Tout de même faut être solide ici. »

Puis sur le quotidien du soldat qui l’endurcit : « Mais à la caserne on ne s’embête pas, pas de temps pour cela. Je deviens d’une brutalité merveilleuse. L’autre jour en promenade le cheval de mon voisin a rué et cassé la jambe d’un jeune homme qui me suivait, ça ne m’a causé aucune émotion. »

Lucide sur la poursuite du conflit : « Je crois qu’après la guerre, il faudra pas que des poilus m’em…ent. Ne vous souciez pas de la guerre. Elle durera longtemps, il faut en prendre son parti et arranger sa vie comme si la guerre devait durer toujours, comme ça quand la paix arrivera ce sera une bonne surprise. Vous, ma chère Mireille, travaillez. Tâchez d’écrire quelque part, il y a beaucoup de place à prendre et il y en aura encore. »

Apollinaire revient finalement sur sa permission : « …je suis aujourd’hui fatigué de la permission. Hier en revenant de Nice me suis arrêté à Marseille, ai vu les troupes Hindoues. C’était épatant. Je vous embrasse plus que d’habitude et bonne année […] »

La poétesse Mireille Havet (1898-1932) qu’Apollinaire surnommait « la petite poyétesse » publiera notamment un recueil de nouvelles en 1917 et un roman, Carnaval, en 1922. Son journal, qu’elle tint de 1913 à 1929, dans lequel elle assume ouvertement son homosexualité a été édité en 1995. Abandonnée de ses amis, Mireille Havet connaitra une fin de vie misérable et mourra à l’âge de 33 ans, tuée par la tuberculose et la dépendances aux drogues. Elle léguera ses cahiers et manuscrits à son amie, la comédienne et poète russe Ludmila Savitzky.

RéférencesCorrespondance (1913-1917), Centre d’Etude du XXe siècle, Université Paul Valéry, 2000, p. 46, facsimilé p. 47-8. Correspondance générale, éd. de V. Martin-Schmets, Champion, II, n° 655. Cl. Debon et P. Read, Les Dessins d’Apollinaire, Buchet-Chastel, 2008, p. 111.

 

Marges irrégulières, bon état, voir photos.