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Hippolyte TAINE – Importante L.A.S. adressée à Jules Simon (1852)

Lettre autographe signée à Jules Simon – Poitiers, 12 juin 1852 – 3 pp. in-8, nom du destinataire et adresse au verso du second feuillet.

 

« J’avais appris indirectement que vous aviez quitté l’Université, je ne vous en ai point parlé ne sachant si je devais vous plaindre ou vous féliciter ; ceux qui rament sur la galère envient parfois le sort de ceux qui sont jetés à la mer »

 

 

Réservé

Hippolyte TAINE (1828 – 1893) – Philosophe et historien

Lettre autographe signée à Jules Simon Poitiers, 12 juin 1852 – 3 pp. in-8, nom du destinataire et adresse au verso du second feuillet.

Importante lettre adressée à celui qui fut son professeur, évoquant son premier livre et les bouleversements politiques récents

À sa sortie de l’ENS où il fut l’élève de Jules Simon, Taine devient professeur de rhétorique à Poitiers. Au moment où il écrit cette lettre il vient d’apprendre que Jules Simon a vu son cours suspendu par un arrêté le déclarant « démissionnaire » à la suite de son refus de serment à la nouvelle Constitution (16 décembre 1851).

Taine annonce la parution prochaine de son premier livre Essais sur les fables de La Fontaine qui paraît en 1853 : « Mon siège est fait, Monsieur, mais la tranchée était ouverte depuis 18 mois, je dirai presque trois ans. Les idées que j’envoie à la Faculté étaient trouvées aux trois quarts au commencement de l’année dernière et je n’ai guère eu qu’à les coordonner et à les écrire. »

Il poursuit ensuite en donnant de précieuses indications sur sa méthode et sa force de travail : « Ajoutez, enfin qu’en travaillant pendant quatre mois douze heure par jour on fait autant qu’en travaillant pendant un an quatre heures par jour, or la plupart des mes collègues ici ont employé le second système et somme toute si ma thèse a été vite achevée j’espère qu’elle ne portera pas trop la marque de la précipitation. »

Il aborde ensuite la question politique : « J’avais appris indirectement que vous aviez quitté l’Université, je ne vous en ai point parlé ne sachant si je devais vous plaindre ou vous féliciter ; ceux qui rament sur la galère envient parfois le sort de ceux qui sont jetés à la mer […] depuis trois mois j’ai compris notre situation et j’ai cessé de penser à la politique ; je ne lis plus de journaux ; cela est incompatible aujourd’hui avec le métier de professeur. Il n’y a qu’un parti qui est de se réfugier dans la science […] voilà pourquoi je fais avec plaisir une rhétorique […] Quelles leçons et quels désenchantements depuis un an. Quelles choses étranges que de quitter l’École, vos entretiens, et ce monde pensant pour tomber ici parmi des élèves du baccalauréat, les cancans, les dîners, l’esprit administratif et dévôt. Maintenant que j’ai fini ma thèse je me console de mon entourage et je me repose de mes maux de tête en lisant les Allemands ; cela fait oublier bien des choses et on n’est pas si malheureux d’être bénédictin […] J’aperçois une multitude de recherches, il me semble qu’il y a dans la psychologie des mines vierges, je crois découvrir un ensemble ; comme dit Socrate quand on est en prison il faut l’enchanter d’espérance et écouter la vois des muses dont les chants flottent de tous côtés autour de nous […] Peut-être mes recherches me conduiront-elles à quelques idées différentes des vôtres, mais vous aimez l’indépendance autant que la vérité et quoique je pense je compterai toujours sur ma bonne foi et sur votre bienveillance pour l’excuser. »

 

Bon état général, voir photos.