Juliette DROUET se languit d’organiser une sortie avec Toto
Lettre autographe signée à Victor Hugo – Paris, 13 novembre, mercredi matin 11h [1839] – 4 pp. in-8.
« Je vous défends de vous faire gratter quoi que ce soit par une autre femelle que moi, entendez-vous ? Et je vous ordonne de m’aimer de toutes vos forces. »
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Juliette DROUET (1806 – 1883) – Actrice et maîtresse de Victor Hugo
Lettre autographe signée à Victor Hugo – Paris, 13 novembre, mercredi matin 11h [1839] – 4 pp. in-8.
Belle lettre amoureuse, quelques jours avant leur « pacte »
« Bonjour mon Toto bien aimé, bonjour mon adoré. Je vous aime quoi que vous soyez resté un peu bien longtemps en soirade hier. Je vous passe le tête à tête avec Villemain [Abel-François Villemain (1790-1870), alors ministre de l’Instruction publique] mais leur nombre illimité de panas [mot argotique teinté de mépris, pour désigner ses compagnons] de toute espèce et de tout âge voilà ce qui est plus criminel et ce que j’ai peine à digérer. Du reste, votre petit gilet est très gentil et a l’air de très bien aller. Vous étiez comme un joli oiseau ravissant et qu’il ne serait pas facile de remettre dans l’œuf fut-il d’autruche ou de Villemain. Je vous défends de vous faire gratter quoi que ce soit par une autre femelle que moi, entendez-vous ? Et je vous ordonne de m’aimer de toutes vos forces. Il fait un temps bien beau aujourd’hui quoique un peu froid : vous devriez tâcher de me faire sortir car demain la mère Pierceau [sa couturière Mathilde Pierceau (1804-1844)] ne sera pas chez elle et je ne veux pas faire ma rentrée chez elle un vendredi. Et vraiment voici déjà trois mortelles semaines que nous sommes revenus de notre bon voyage et je ne suis encore sortie qu’une fois le jour où nous sommes revenus du théâtre français aussi je m’en aperçois à ma tête. Baisez-moi et faîtes moi prendre l’air si vous pouvez. On vient de me dire qu’il n’y a plus de vin. Il faut que j’écrive au marchand de vin encore 15 frs pour cela. Ce mois-ci est rude. Tu ne te plains pas mon bon petit homme généreux mais moi je me plains pour toi. Je pousse d’affreux cris dans mon âme quand je pense de quelle manière tu gagnes tout l’argent que tu me donnes. Quand donc sera-ce mon tour ? je voudrais que ce fut tout de suite. Je t’aime. Je t’aime. »
Depuis le début de leur relation, en 1833, Juliette n’a pas renoncé à être actrice, mais après 6 années, dans la nuit du 17 au 18 novembre, quelques jours plus tard, les amants allaient sceller leur union, dans l’esprit, sinon sous sa forme légale. Cette nuit-là, Juliette et Toto vont conclure un pacte, par lequel, elle, s’engage à renoncer définitivement au théâtre et à la vie parisienne et, lui, à subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa fille Claire, née d’une première liaison avec le sculpteur James Pradier.
Le voyage, auquel il est fait allusion, s’est déroulé du 25 août au 26 octobre et les a conduits de Strasbourg à Nice, avec une halte en Suisse de 18 jours. Ce périple leur donna également l’occasion de visiter l’Île Sainte-Marguerite, à Cannes, où avait été emprisonné Le masque de fer, futur sujet des Jumeaux, drame qu’Hugo laissera inachevé.
Une perforation due à l’encre, voir photos.