Victor HUGO organise la diffusion de “Napoléon le Petit” depuis Jersey
Lettre autographe signée adressée au baron Laurent-Auguste Coppens de Nortland – St Hélier [Jersey], 13 août [1852] – 2 pp. in-8, adresse au dos du second feuillet : « Monsieur Coppens, réfugié français. Bruxelles », marques postales.
« Point de spéculation, avant tout la propagande »
4 200€
Victor HUGO (1802 – 1885) – Poète et dramaturge
Lettre autographe signée adressée au baron Laurent-Auguste Coppens de Nortland – St Hélier [Jersey], 13 août [1852] – 2 pp. in-8, adresse au dos du second feuillet : « Monsieur Coppens, réfugié français. Bruxelles », marques postales.
Importante missive des premiers jours d’exil à Jersey, évoquant avec ferveur la diffusion de Napoléon le Petit
« Je m’empresse, Monsieur et cher concitoyen, de vous répondre et de vous remercier de votre gracieuse lettre. Ce ne pourrait être que par l’effet d’un malentendu que Monsieur Tarride ne vous satisferait pas ; il est convenu qu’il livrera les exemplaires de la première petite édition à un franc à toute personne qui en prendra en nombre. À ce prix, la prime offerte aux passeurs est énorme et peut les tenter. Voyez Monsieur Tarride et faîtes-lui lire ma lettre, je ne doute pas qu’il ne fasse ce que vous déciderez dans les limites que je viens d’indiquer. Point de spéculation, avant tout la propagande.
J’ai annoncé à Madame Victor Hugo votre arrivée possible et celle de Madame Coppens à Jersey. Nous serions tous bien heureux de vous voir ici, l’île est charmante, la vie au même prix qu’à Bruxelles, et l’on me dit que les proscrits, divisés avant mon arrivée se sont ralliés depuis grâce à quelques paroles de bravoure que je leur ai adressées et qu’ils ont acceptées avec sympathie lors des visites qu’ils me firent à mon arrivée. Il paraît que l’infiltration de mon livre en France est déjà assez notable ; si vous vous en mêlez avec votre vive et ferme intelligence, la chose ira bien. J’offre à Madame Coppens tous mes respects et tous mes hommages et je vous envoie mes plus cordiales effusions.
[PS] Serrement de mains à tous mes amis . Mon adresse : St Lukes, Marine-Terrace, 3. Encore un mot avant de fermer cette lettre pour dire à votre noble et charmante femme combien j’ai été touché de ses bontés. L’adieu d’Anvers ne s’effacera jamais de mon cœur. »
Après le coup d’État du 2 décembre, Victor Hugo arrive à Bruxelles le 14 décembre 1851. Avec Napoléon le Petit, œuvre pamphlétaire écrite en quelques mois, Hugo souhaite alimenter une propagande politique qu’il veut rapide et dévastatrice – le gouvernement français ayant connaissance du projet suivra la publication du pamphlet avec attention allant jusqu’à faire pression sur le gouvernement belge pour en bloquer la diffusion. La loi Faider (6 décembre 1852), réprimant « quiconque se serait rendu coupable d’offenses envers la personne des souverains étrangers », est promulguée en réponse, contraignant Hugo à un nouvel exil vers Jersey.
Arrivé à Jersey le 5 août, Hugo s’installe quelques jours à Saint-Hélier avant de rejoindre Marine Terrace, avec sa famille, le 16 août.
Notre lettre datée du 13 août suit de quelques jours la publication du pamphlet, qui a lieu quasi simultanément à Bruxelles (libraire Tarride et librairie Mertens) et à Londres (librairie Jeffs), le 8 août 1852 ; Victor Hugo exprime ici avec vigueur son souhait de diffuser l’œuvre avec rapidité, le plus largement possible.
L’adieu d’Anvers fait référence à un épisode particulièrement émouvant de l’exil d’Hugo, lorsque, le 1er août, il avait embarqué à Anvers pour Londres en vue de rejoindre sa résidence de Jersey. Quelques dizaines de réfugiés, comme lui, l’avaient accompagné au port et lorsque le steamer s’était mis en marche, Hugo leur avait lancé : « Nous nous reverrons », ceux-ci lui avaient répondu, agitant leur chapeau : « Oui, en France ! ». Le discours d’adieu qu’il avait adressé aux proscrits et à ses amis belges, devait constituer la première pièce de Pendant l’Exil.
Le baron Coppens de Nortland (1806-1878), ancien préfet de Corrèze, avait pris part à la résistance au coup d’État et parvint ensuite à gagner la Belgique. C’est chez la baronne de Coppens que, le 2 décembre, Hugo avait retrouvé Arago, Quinet, Baudin et d’autres républicains, au 70, rue Blanche. Dans la première rédaction d’Histoire d’un crime, Victor Hugo évoque Coppens comme son « énergique et intègre hôte de la rue Blanche ».
Papier légèrement bruni, petite déchirure en coin due à l’ouverture, sans atteinte au texte. Un mot biffé, l’encre ayant entamé le papier, voir photos.