Maria MALIBRAN – Belle lettre évoquant Henriette Sontag et une soirée musicale (1830)

Maria MALIBRAN (1808 – 1836) – Cantatrice

Lettre autographe signée « M.G. Malibran qui a fait fiasco », adressée au Chevalier de Pinieux – Paris, ce 14 jeudi 1830 – 3 pp. in-8.

Belle lettre au ton dramatiquement courroucé à propos d’une soirée musicale

« La commission dont vous m’avez chargée a été pour moi et la plus agréable et la plus pénible pour moi ; la plus agréable : parce que j’étais presque sure de réussir et que rien n’est plus flatteur que de remporter une victoire ; la plus pénible : parce que j’ai eu la mortification d’échouer ; et qu’il n’y a rien au monde d’aussi humiliant qu’un fiasco !!

Madame Sontag cependant, me donne d’assez bonnes raisons pour ne pas accepter cette soirée, de laquelle je me faisais une fête (et soit dit en passant sans vous choquer) vous n’étiez pas le principal objet et ce n’était pas pour vous que j’allais chez vous. .
Le style de mes compliments pour votre personne se ressent de ma contrariété.

Madame Sontag me dit que son bénéfice a lieu lundi, qu’elle part mardi, qu’elle est souffrante, plus que jamais, qu’elle est fatiguée, qu’elle n’en peut plus ! Le résultat de toutes ces raisons quel est-il ? …  ” Je suis désolée, ma chère Malibran de ne pas me rencontrer encore une dernière fois avec vous … mais je suis vraiment fatiguée… ! ”

Vous me portez malheur, je ne veux plus faire de commissions pour vous. À votre tour maintenant faîtes tout au monde pour réussir ou bien je me brouille avec vous pour jamais ; entendez-vous ?

Si vous lui promettiez en lui tenant parole qu’il n’y aurait que nous ! Nous, je veux dire encore moins de monde que vous n’en aviez la dernière fois ! Essayez

Vous serez bien habile si vous pouvez me déchiffrer ; je vais si vite pour vous écrire que je n’ai pas même le temps de relire ce que j’écris. Indulgence pour les fautes, s’il vous plaît !

Bonjour. Vous savez de quoi dépend votre raccordement avec votre très fâchée servante.

M.G. Malibran qui a fait fiasco »

La cantatrice franco-allemande Henriette Sontag (1805-1854) à l’origine de l’incident fut la partenaire régulière de La Malibran sur les scènes européennes. Amies à la ville, leur rivalité professionnelle se doublait d’une rivalité affective dans le cœur du violoniste Charles-Auguste de Bériot qui épousera finalement Maria. Henriette Sontag deviendra en secret l’épouse du comte Carlo Rossi, ambassadeur du royaume de Sardaigne. Après l’anoblissement de l’artiste par le roi de Prusse en 1830, leur union devient publique mais contraint la cantatrice à renoncer à la scène et à ne se produire que lors de concerts privés ou de bienfaisance.

Le Chevalier de Pinieux, comte Bouexic de Pinieux, chevalier de l’Ordre de Malte (1780-1868) fait partie des cercles parisiens sous la Restauration et le Second Empire ; ses diners étaient fort recherchés tant pour la cuisine que pour la qualité des invités. Ami de nombreux artistes, il accueillait régulièrement des virtuoses lors de soirées musicales dont il assurait l’organisation.

À ce sujet, voir également dans notre catalogue, la lettre adressée à Madame Naldi relative à cette soirée.

Trace rouge (cire ?) sur le premier feuillet, plis d’usage, voir photos.