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Victor HUGO – Demande de grâce pour le condamné à mort, codétenu de son ami Thouret

Lettre autographe signée Victor H. adressée à Antony Thouret – Paris, 4 septembre [1833] – 2 pp. sur un double feuillet in-8, adresse et marques postales au verso avec la mention « pressé V.H. » : Antony Thouret à la prison de St. Waast Douai.

 

« Je veux donner suite à l’affaire et sauver le malheureux si je puis. »

 

 

Vendu

Victor HUGO (1802 – 1885) – Poète et dramaturge

« Coupable ou non, il n’y a jamais de mal à sauver la vie d’un homme »

Lettre autographe signée Victor H. adressée à Antony ThouretParis, 4 septembre [1833] – 2 pp. sur un double feuillet in-8, adresse et marques postales au verso avec la mention « pressé V.H. » : Antony Thouret à la prison de St. Waast Douai.

Bel ensemble autour de l’engagement d’Hugo pour la défense des condamnés et l’abolition de la peine de mort

« J’ai les yeux affreusement malades et à peine la force de vous écrire. Je sors d’un drame. [probablement Marie Tudor dont la première aura lieu le 6 novembre]. Voici la copie de ma lettre à M. de Crusy [alors chef des grâces et de la division des affaires criminelles] avec la date. Je n’ai pas encore de réponse. Je veux donner suite à l’affaire et sauver le malheureux [son codétenu, César Demay, condamné à mort] si je puis. Dites lui de m’écrire lui-même les détails de son affaire. Le 27 juillet en vous quittant à La Force [où Thouret était incarcéré avant d’être déplacé à Saint-Waast], j’ai écrit à Thiers pour vous. Je vous enverrai copie de ma lettre à M. de Crusy et de la réponse. Aujourd’hui je n’ai que le temps de vous serrer la main et de vous dire que je suis votre ami. Tachons de sauver ce pauvre homme. »

Joint : la copie de la lettre en question, de la main d’Adèle Hugo, adressée à M. de Crusy :

« Paris, 6 place Royale, 29 août 1833.

Monsieur, il y a en ce moment à la prison de St Waast, à Douai, un malheureux nommé César Demay, âgé de trente cinq ans, ancien carabinier, condamné à mort (j’ai étudié toute son affaire) sous les plus vagues présomptions, un jour où il y avait probablement plus d’hommes bilieux que d’autres dans le jury. Cet homme proteste de son innocence, et il en proteste avec un accent vrai. Je suis personnellement opposé à toute condamnation à mort et surtout à toute exécution. Dans le cas présent, l’exécution de cet homme que je ne crois pas coupable me paraîtrait chose affreuse.

Il dépend de vous, monsieur, de faire commuer la peine de ce malheureux. Je vous signale ici la commutation comme un devoir. Coupable ou non, il n’y a jamais de mal à sauver la vie d’un homme et je vous le répète, celui-ci me semble innocent. Moi, j’accomplis un devoir de mon côté en vous mettant à même de faire ce que je serais si heureux de pouvoir faire moi-même. Vous êtes chargé, monsieur, de faire grâce aux misérables condamnés. Je vous félicite et je vous envie. Vous avez la plus belle place de France, plus belle que celle du ministre de la justice qui ne voit que par vos yeux, plus belle que celle du Roi qui ne voit que par les yeux du ministre.

Une place comme la vôtre bien remplie, monsieur, pourrait être la consolation des gens de bien en attendant la prochaine abolition de la peine de mort. Je ne doute pas, monsieur, que votre place ne soit bien remplie, je suis heureux de vous donner une occasion de le prouver, et je vous prie d’agréer l’assurance de mes sentiments. Victor Hugo »

Mention autographe signée d’Antony Thouret : « à propos du condamné Demay mon co-détenu à Saint Waast à Douai, et dont j’avais demandé la grâce. Je l’ai toujours jugé innocent. »

Joint : une seconde l.a.s. de Victor Hugo adressée au même (23 juillet [1833], signée V. – 1 page in-8, marge irrégulière et manque marginal, déchirure en bas de feuillet, sans atteinte au texte : « Je ferai ce que vous direz, et j’aurai grand plaisir à vous voir. Je vous ai écrit il y a six semaines. Avez-vous reçu ma lettre ? Votre ami ».

Après une éphémère carrière d’avocat, Antony Thouret (1807-1871), se consacre à l’écriture et s’engage en politique. Défenseur des idéaux républicains il fonde le journal La Révolution de 1830 et collaborera plus tard à La Réforme. Son opposition farouche à la Monarchie de Juillet qu’il exprime dans ses articles lui vaut un emprisonnement pour délit de presse de 28 mois à Sainte-Pélagie, puis à La Force et à la prison de Saint-Waast à Douai. Victor Hugo viendra en aide à son ami (voir à ce sujet cette autre lettre) et défendra également la cause de son codétenu, César Demay, condamné à mort pour le meurtre de sa tante.

Notons que suite au Coup d’État de 1851, comme son ami Hugo, Antony Thouret sera contraint à l’exil et s’installera quelque temps en Suisse.

 Déchirure au cachet à l’ouverture, plis d’usage, voir photos.